Article paru dans le magazine Semper – édition Fev 2022 – www.dsb.lu
REGULATORY : Rubrique originale de Semper Luxembourg en collaboration avec la Division de la Pharmacie et des Médicaments - Sous la Direction du Dr Anna Chioti
En réponse à la pandémie liée au coronavirus, la recherche et le développement de nouveaux traitements de la COVID-19 ont avancé à un rythme sans précédent. En mai 2020, Semper Luxembourg vous avait proposé un cahier spécial consacré aux médicaments alors en cours d’expérimentation contre la COVID-19. Depuis lors, plusieurs médicaments ont été approuvés et d’autres sont en cours d’évaluation au niveau de l’Agence européenne des médicaments (EMA).
À côté des vaccins, les médicaments constituent un outil complémentaire dans la lutte contre le développement des formes sévères de la maladie.
La connaissance du statut réglemen¬taire de ces divers traitements ainsi que des conditions de leur mise à disposition va avoir un impact sur leur positionnement actuel dans le décours de la maladie.
Ce positionnement est amené à évoluer en fonction des nouvelles données cliniques et de la situation épidémiologique. La mise à disposition est également tributaire du circuit d’approvisionnement selon que les médicaments sont commercialisés, selon qu’ils font l’objet d’un contrat négocié via la Commission Européenne et de la disponibilité via une production et une distribution adéquates par les fabricants.
Le site de l’EMA1 donne un aperçu des médicaments contre la COVID-19 selon leur statut d’approbation. Le tableau ci-dessous reprend la liste des médicaments qui sont autorisés (colonne de droite), ceux dont le fabricant a déposé un dossier complet à l’EMA en vue d’une autorisation (colonne du milieu), ainsi qu’un médicament qui fait l’objet d’une procédure d’examen continu (colonne de gauche).
Un examen en continu ou «rolling review» est l’un des outils de réglementation que l’EMA utilise pour accélérer l’évaluation de médicaments ou de vaccins prometteurs lors d’une urgence de santé publique. En principe, toutes les données sur l’efficacité, la sécurité et la qualité d’un médicament et tous les documents requis doivent être soumis au début de l’évaluation au moyen d’une demande formelle d’autorisation de mise sur le marché.
Dans le cas d’une «rolling review», le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA analyse les données disponibles au fur et à mesure de l’avancement des études, avant de décider que ces données sont suffisantes et qu’une demande formelle d’autorisation peut être introduite par le fabricant.
Face notamment à l’urgence de la crise sanitaire et la nécessité de mettre rapidement à disposition des médicaments qui pourraient sauver des vies, le comité des médicaments à usage humain (CHMP) formule également un avis sur toute question scientifique concernant l’évaluation des médicaments à usage humain, à la demande du directeur exécutif de l’Agence ou du représentant de la Commission. C’est ce que l’on appelle un «Avis au titre de l’article 5, paragraphe 3». Cet article provient du RÈGLEMENT (CE) No 726/2004 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments. La liste de ces avis est accessible sur le site de l’EMA2 et on peut y retrouver deux avis pour les traitements qui ne sont pas encore autorisés spécifiquement pour les patients atteints de COVID-19. Il s’agit du Lagevrio (molnupiravir) et du Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir).
L’autorisation temporaire d’utilisation est une mesure exceptionnelle de mise à disposition de médicaments n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM). L’objectif est de permettre l’accès précoce à de nouveaux traitements lorsqu’il existe un réel besoin de santé publique, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de traiter des patients atteints de pathologies graves ou rares, qu’il n’existe pas de traitement approprié et que la mise en oeuvre du traitement ne peut être différée.
Le molnupiravir (Lagevrio®), médica¬ment ne disposant pas encore d’une autorisation de mise sur le marché, a été autorisé pour un usage temporaire par la Ministre de la santé. Le médicament est mis à disposition par l’Etat depuis le 14 janvier 2022 et selon des dispositions permettant un encadrement et un suivi de son utilisation en l’absence d’AMM.
Dans le cadre de la pandémie de COVID-19 et à la demande de la Direction de la Santé, un groupe de travail du Conseil scientifique du domaine de la santé au Luxembourg a statué sur des recommandations concernant l’utilisation de Lagevrio® (molnupiravir) pour le traitement de la COVID-19.
Le molnupiravir est une prodrogue convertie dans le plasma en N-hydroxycytidine (NHC), un analogue ribonucléosidique, qui est ensuite phosphorylée en NHC triphosphate (NHC-TP) pharmacologiquement actif. NHC-TP est un substrat compétitif de l’ARN-polymérase virale. Son incorporation dans l’ARN viral provoque une accumulation de mutations («viral er¬ror catastrophe») qui conduisent finalement à une inhibition de la réplication virale.
Les résultats intermédiaires de l’étude clinique principale (étude MOVe-OUT) en cours suggèrent une efficacité avec un bénéfice significatif du molnupiravir en termes d’hospitalisations et de décès évités chez les patients à risque de développer une forme grave de COVID-19, pour autant que le traitement soit initié précocement.
Actuellement, les résultats des études cliniques du molnupiravir suggèrent une efficacité faible à modérée et une assez bonne tolérance à court terme. Vu le manque de données envie réelle, son intérêt dans la pratique clinique reste à être établi. Il subsiste notamment des doutes en ce qui concerne un éventuel effet mutagène et/ou génotoxique du molnupiravir chez l’humain. Certains experts craignent également que l’exposition au molnupiravir favorise l’émergence de nouvelles souches mutées de SARS-CoV-2.
C’est pourquoi, le Conseil Scientifique de la Santé a recommandé de réserver le traitement pour les patients à risque de développer une COVID-19 sévère et ne le recommande pas pour traitement à grande échelle.
La mise à disposition du Lagevrio® est limitée au traitement de la COVID-19 chez des patients adultes qui ne nécessitent pas d’oxygène supplémentaire et qui sont à risque élevé de progression vers une forme sévère de COVID-19.
La Commission des experts, qui statue sur les médicaments au Luxembourg en collaboration avec la DPM, a rejoint l’avis du Conseil Scientifique. Elle a conclu que la prescription, la délivrance et l’administration de Lagevrio® nécessitent un encadrement étroit et un contrôle stricts.
C’est pourquoi, le patient doit s’orienter vers son médecin-traitant (médecin de première ligne), qui a connaissance de son dossier médical et qui peut aussi prescrire le test PCR obligatoire. Le médecin doit remplir le formulaire de demande et rédiger une ordonnance nominative pour le patient. La délivrance de molnupiravir se fait actuellement via les 4 pharmacies hospitalières.
Les critères d’éligibilité des patients à ce traitement sont:
• Forme légère à modérée de COVID-19.
• Susceptible d’obtenir un bénéfice tangible en termes de durée de survie et/ou de qualité de vie.
• Début récent des symptômes (≤ 5 jours): Date du/des premier(s) symptôme(s).
• Non hospitalisés pour une infection COVID.
• Non vacciné ou vacciné avec risque important de réponse vaccinale insuffisante.
• Absence de grossesse et d’allaitement.
• Age adulte (≥ 18 ans)
• Cas particulier de présence d’une comorbidité/facteur(s) de risque associé(s) à un risque d’évoluer vers une forme sévère de la maladie (tels que définis par les recommandations du Conseil Scientifique de la santé: https://conseil-scientifique.public.lu/fr/publications/covid-19/ molnupiravir.html ).
Le protocole d’utilisation disponible sur le site de la Direction de la santé (https://sante.public.lu/traitements-covid19) regroupe les informations suivantes à l’attention des prescripteurs:
• Population cible pour le traitement.
• Réf. recommandations du Conseil Scientifique.
• Critères d’exclusion: p.ex. patiente enceinte/allaitante; COVID-19 sé¬vère, ou pas possible de prendre le traitement dans les 5 jours.
• Médicament: posologie, dose, contre-indications, interactions, fertilité, grossesse et allaitement
• Algorithme de traitement.
• Comment déclarer un effet indésirable.
Ce document est complété par un feuillet d’information à l’attention des patients permettant de donner toutes les informations nécessaires à l’obtention du consentement pour ce traitement sans AMM.
En effet, le formulaire de demande d’accès au traitement doit être signé aussi bien par le médecin prescripteur que le patient. Ce formulaire, qui consiste en un document recto-verso et dont on peut voir un exemplaire ci-contre, doit absolument être entièrement complété et être remis au patient (ou une personne désignée par ce dernier, vu l’isolement), accompagné de la prescription et du résultat du test PCR. La personne devra remettre ces documents au pharmacien hospitalier qui réexpliquera comment prendre le médicament et qui remettra une «carte patient» reprenant les informations essentielles.
Un rappel sera fait sur les précautions en lien avec la grossesse et l’allaitement. Il n’y a pas de données sur l’utilisation de Lagevrio chez la femme enceinte. Des études chez l’animal ont montré une toxicité sur la reproduction. Dès lors, Lagevrio n’est pas recommandé pendant la grossesse. Les femmes en âge de procréer doivent être sous contraception efficace pendant 4 semaines avant le traitement, pendant toute la durée du traitement et pendant 4 jours après la dernière dose de Lagevrio.
Par ailleurs, on ne sait pas si le molnupiravir ou l’un des composants du molnupiravir présents dans le lait maternel affectent la production de lait maternel ou ont un effet sur le nourrisson allaité. Aucune étude sur la lactation animale avec le molnupiravir n’a été menée.
Compte tenu du potentiel d’effets indésirables de Lagevrio sur le nourrisson, l’allaitement n’est pas recommandé pendant le traitement et pendant 4 jours après la prise de la dernière dose.
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