Article paru dans l’édition Juin 2016 du magazine SEMPER www.dsb.lu
Rubrique sous la direction du Dr Chioti, responsable du Centre d’Investigation et d’Epidémiologie Clinique au LIH
La 8eme conférence internationale francophone VIH/Hépatites AFRAVIH 2016 s’est tenue du 20 au 23 avril 2016 à Bruxelles. De nombreux médecins et scientifiques impliqués dans le combat contre ces deux épidémies majeures ont ainsi eu l’occasion de se rencontrer et d’échanger sur les différents aspects de la recherche, de la prévention et des traitements contre ces maladies.
Aurélie Fischer,
Clinical Research Coordinator at Clinical and Epidemiological Investigation Center, |
L’épidémie de VIH a actuellement une prévalence de 1% environ dans la population générale, y compris dans les pays en voie de développement. Dans la plupart des pays elle est en effet aujourd’hui concentrée dans les populations dites «clé» avec une probabilité 19 fois plus importante pour les HSH (Hommes ayant des relations Sexuelles avec des Hommes), 50 fois plus importante pour les usagers de drogue, et 14 fois plus importante pour les professionnelles du sexe de contracter la maladie que dans la population générale.
Finalement ce sont quelque 37 millions de personnes qui sont aujourd’hui porteuses du virus, dont seulement 20 millions sont diagnostiquées. Parmi elles, environ 15 millions de personnes bénéficient d’un traitement antirétroviral (TAR) et 10 millions ont une charge virale indétectable.
La communauté scientifique mondiale s’est fixé un objectif ambitieux dans cette bataille contre le VIH: en effet, à l’horizon 2020, 90 % des personnes infectées devront connaître leur statut, 90% d’entre elles devront être sous TAR et enfin 90% des personnes traitées devront avoir une charge virale indétectable: c’est l’objectif 90-90-90, présenté sous forme de «cascade».
Pour 2030 l’objectif fixé est encore plus ambitieux puisque il est de 95-95-95 voire même l’éradication de la maladie !
Depuis 1987, arrivée de l’AZT, premier traitement contre le VIH, plus de 30 nouvelles molécules visant différents sites d’action sur le virus ont été développées et mises sur le marché. |
Pour atteindre l’objectif 90-90-90, plusieurs stratégies doivent être mises en place en parallèle:
• Améliorer le volet dépistage: développement de nouveaux tests de diagnostic, comme les autotests, mais aussi de mesure de charge virale avec développement de platesformes en Afrique comme la plateforme OPPERA présentée par le Dr Christine Rouzioux qui donne accès à des mesures de charge virale faciles et peu chères
• Améliorer la prévention pour diminuer les nouvelles infections: campagnes de sensibilisation dirigées plus particulièrement vers les populations clés, promotion de la PrEP (Pré-Exposure Prophylaxis) et de la PEP (Post-Exposure Prophylaxis), le
TAR comme moyen de prévention
• Améliorer l’accès au traitement: atteindre les 90% de personnes traitées signifie passer de 15 millions à plus de 30 millions de personnes sous TAR en 2020 et 37 millions en 2030. Pour cela il y a encore besoin de nouvelles molécules et de réduire
les coûts des traitements.
Recommandations de traitement OMS 30 septembre 2015: TAR devrait être initié chez toute personne (adultes/femmes enceintes/enfants-adolescents...) infectée, indépendamment du stade de HIV et du taux de CD4. |
Depuis 1987, arrivée de l’AZT, premier traitement contre le VIH, plus de 30 nouvelles molécules visant différents sites d’action sur le virus ont été développées et mises sur le marché. Entre 1990 et 2002 seuls des inhibiteurs de protéase (PI) et de Reverse Transcritase Nucléosidique ou Non-Nucléosidiques (NRTI et NNRTI) étaient disponibles. Puis sont apparus dans les années 2003 à 2008 les premiers inhibiteurs d’entrée (enfuvirtide ou T-20, maraviroc) et le premier inhibiteur d’intégrase
(Raltegravir). Enfin, depuis 2012, une arrivée massive des inhibiteurs d’intégrase est venue compléter l’offre de traitements.
Les recommandations officielles de l’OMS pour l’utilisation des différents médicaments ont été actualisées en septembre 2015 pour les utilisations en PrEP, en PEP ou en traitements dit «classique».
Concernant la PrEP, seul le Truvada (Tenofovir/emtricitabine) a été approuvé et concerne principalement les HSH ainsi que les couples hétérosexuels dont l’un des partenaires est séropositif. Le traitement consiste soit en une prise en continu, soit en prises ponctuelles quelques heures avant la prise de risque. La PrEP a déjà montré de bons résultats, notamment sur une cohorte de 767 couples sérodiscordants suivis pendant environ 1 an et pour lesquels aucune transmission n’a été rapportée2. Néanmoins la promotion de la PrEP ne doit pas remplacer celle pour l’usage du préservatif pour éviter une recrudescence des autres infections sexuellement transmissibles.
La PEP, elle, se base sur le principe qu’il existe lors des 24 à 72h suivant une prise de risque une fenêtre thérapeutique pendant laquelle les antirétrovirqux (ARV) peuvent empêcher l’infection en détruisant les cellules potentiellement infectées. Elle consiste en une bi ou trithérapie administrée pendant 28 jours postexposition et dont l’efficacité dépend, comme pour la PrEP, de l’observance du patient.
Pour le traitement de l’infection chronique l’OMS recommande en première ligne une trithérapie associant généralement 2 inhibiteurs de reverse transcriptase avec le dolutegravir qui est un inhibiteur d’intégrase dont il existe un générique, ce qui permet de combiner à la fois une simplicité d’utilisation (1 ou 2 comprimés par jour selon les traitements) à une diminution des coûts, donc une meilleure accessibilité aux traitements pour les pays en développement3.
Malgré les récents progrès plusieurs problématiques se posent encore:
1/ Les traitements antirétroviraux ne permettent pas une guérison de la maladie et sont donc des traitements à vie, avec tous les problèmes que cela peut engendrer: problèmes de tolérance, d’effets secondaires et d’interaction médicamenteuse,
notamment avec les anti-cancéreux ou les traitements contre l’hépatite C. Se pose également la question de la polymédication des personnes âgées puisque les patients peuvent aujourd’hui vieillir avec le VIH.
2/ L’apparition de résistances au traitement est toujours problématique, en particulier avec les inhibiteurs de reverse transcriptase.
3/ Problèmes d’adhérence.
4/ Les traitements ne permettent pas une éradication complète du virus car des réservoirs viraux subsistent même lorsque les patients ont une charge virale indétectable.
5/ La réponse immunologique est parfois mauvaise.
De nombreuses études sont en cours pour étudier les possibilités de simplification de traitement pour diminuer les risques d’apparition de résistances, la toxicité mais aussi pour faire baisser les coûts. De nombreux essais de bithérapies d’allègement sont en cours chez des patients en succès virologique et dont les résultats préliminaires semblent prometteurs4. Des monothérapies à base de Dolutegravir sont également à l’étude chez des patients naïfs de traitement5 mais aussi chez des patients avec une charge virale indétectable6.
Les «nano-ARVs» (nano-antirétroviraux) sont une technologie de pointe qui vise à incorporer une molécule antirétrovirale dans une structure nano-particulaire comme des nanoémulsions ou des nanoparticules polymériques afin d’en augmenter l’efficacité tout en diminuant sa toxicité. En effet la quantité de substance active nécessaire pourra être largement diminuée. Des études sont en cours pour le développement du nano-efavirenz et du nano-lopinavir à l’université de Liverpool en association avec le Medicines Patent Pool.
Des formulations à libération prolongée sont également en développement de manière à pouvoir offrir une présentation en injectable, mensuelle voire même trimestrielle, plutôt qu’orale. C’est le cas de la Rilpivirine ou du Cabotegravir.
Enfin, des recherches sont en cours sur des combinaisons d’ARV en implants sous-cutanés mais aussi en anneau, film ou gel vaginal.
Un thème très important dans la recherche contre le VIH est le thème de la «cure» autrement dit de la guérison. |
L’immunothérapie vise à améliorer la réponse immunologique chez des patients présentant une bonne réponse virologique, avec une charge virale indétectable, mais chez qui l’on ne parvient pas à restaurer une réponse immunitaire correcte et qui
restent ainsi à un niveau de CD4 bas (<200/mm3) et sont donc vulnérables aux infections opportunistes. Les différentes pistes sont:
1/ les Anti-TNF spécifiques comme l’infliximab ou l’adalidumab ou non (Thalidomide), les anti-IL 1 (canakinumab) et 6 (tocilizumab), qui bloquent les voies d’activation de ces 3 molécules et améliorent ainsi l’immunité.
2/ l’IL 21, dont l’utilisation permettrait de restaurer le fonctionnement du système immunitaire et de diminuer la charge virale.
3/ les anticorps monoclonaux, déjà utilisés en oncologie, notamment les Anti-PD1 et anti-PDL1 comme le Nivolumab, actuellement phase III.
4/ les anticorps neutralisants à large spectre, présents chez moins de 1% des personnes infectées. Les données cliniques sur leur utilisation en prévention ou en traitement sont encore peu nombreuses et peu concluantes.
Taux de prévalence du virus de l’Hépatite C par pays. Center for Diseases Control. 2011
Un thème très important dans la recherche contre le VIH est le thème de la «cure» autrement dit de la guérison. En effet malgré de gros progrès en termes de traitements de l’infection il n’est toujours pas possible de guérir du VIH. Les ARVs permettent de détruire les virus circulants mais des réservoirs viraux subsistent dans les lymphocytes T CD4+, localisés dans les ganglions, l’intestin et le cerveau. Le DNA proviral y est intégré dans le DNA cellulaire et ces cellules restent dans un état de latence. Une localisation et une quantification précise des réservoirs est nécessaire pour envisager leur éradication et donc une guérison. Pour cela la stratégie du «shock and kill» a été développée et associe un agent «shock», dit réversant de latence, qui oblige les cellules à sortir de leur latence et à produire des virions, à un agent «kill» ciblant ces cellules pour les détruire. Ce sont le plus souvent des molécules utilisées en immunothérapie.
Finalement, loin de s’essouffler, le développement de nouvelles thérapeutiques contre le VIH est toujours un domaine très dynamique. Les futurs thérapies contribueront à n’en pas douter à atteindre les objectifs ambitieux fixés par l’OMS. Une réunion de haut niveau sur l’éradication du SIDA se tiendra du 8 au 10 juin à New-York et permettra aux dirigeants du monde entier de concentrer leurs efforts et de définir les stratégies pour mettre fin à l’épidémie d’ici 2030.
L’épidémie mondiale d’hépatite C est également un problème de santé public majeur avec environ 150 millions de porteurs chroniques de la maladie et 700 000 décès en lien avec l’infection. La prévalence de cette maladie est relativement faible dans la population générale, mais peut atteindre les 60% chez les usagers de drogues qui restent la sous-population la plus
touchée.
La recherche de traitements contre cette maladie fait figure de bon élève avec des avancées fondamentales ces 5 dernières années. Après la découverte du virus en 1989, les premiers traitements à base de interféron alpha combiné à de la ribavirine sont apparus presque 10 ans plus tard, avec une balance bénéfice-risque peu intéressante. Ce traitement présentait une efficacité médiocre, avec moins de 30% des patients atteignant une réponse virologique soutenue (SVR) pour des effets secondaires très importants. L’introduction de l’interféron pégylé a amélioré légèrement la situation en portant l’efficacité à presque 50%.
La donne a complètement changé en 2005 avec les premières productions virales en culture. Ceci a permis le développement des Antiviraux à Action Directe (AAD) qui ciblent les différentes protéines virales et dont la mise sur le marché a débuté en 2011.
Les AAD ont bouleversé le paysage du traitement de l’hépatite C en proposant des traitements pour tous les génotypes viraux et pour tous les patients, cirrhotiques ou non, avec des taux d’efficacité allant de 90 à 100%.
Les nouveaux traitements sont sûrs et bien tolérés et ne présentent que très peu de problème d’interactions médicamenteuses avec les antirétroviraux utilisés contre le VIH.
L’épidémie mondiale d’hépatite C est un problème de santé public majeur avec environ 150 millions de porteurs chroniques de la maladie et 700 000 décès en lien avec l’infection. |
Ainsi les principaux médicaments utilisés actuellement sont le fameux Sofosbuvir ainsi que le Daclatasvir, mais de nombreuses molécules sont encore en cours de développement.
En effet si les AAD permettent d’entrevoir la possibilité d’éradiquer la maladie, il reste des points cruciaux pour lesquels une réponse doit être trouvée. D’une part il n’existe à l’heure actuelle pas de traitement pangénotypique qui permettrait des recommandations simplifiées et d’autre part le coût des nouveaux traitements reste prohibitif, avec néanmoins des prix très disparates selon les pays (de 20 000 dollars dans les pays développés à 300 dollars pour des pays comme l’Egypte ou le Pakistan). La problématique de l’accès au traitement pour tous a été soulevée avec véhémence par le Dr Andrieux-Meyer qui a présenté différentes initiatives dans ce contexte:
• L’association Coalition Plus a mis en place un projet «Baisse des prix des médicaments VHC» en collaboration avec UNITAID (organisation créée en 2006 par les Nations Unies pour négocier les coûts des traitements entre gourvenements et
industriels) pour accélérer le volume des génériques et ainsi faire baisser les prix.
• Une collaboration est en cours entre DNDI (Drugs for Neglected Diseases Initiave) et l’industriel Pharco pour le développement d’un traitement court pangénotypique, à base de Sofosbuvir et de Ravidasvir, à moins de 300 dollars dont les territoires de license inclueront tout d’abord l’Asie, l’Amérique latine et l’Europe de l’Est mais pourront être étendus par la suite, notamment en Europe de l’Ouest en 2018.
Enfin, une citation de Nelson Mandela trouve ici toute sa place: «Après avoir gravi une haute colline on se rend seulement compte qu’il reste beaucoup d’autres collines à gravir». Car si la question de l’efficacité des traitements semblent résolues, si celle des coûts est en passe de le devenir, il reste le problème du dépistage puisque plus de la moitié des personnes infectées ignorent leur statut et celui des réinfections qui restent fréquentes chez les usagers de drogue.
Sources :
1. A. Calmy, AFRAVIH, Bruxelles 2016
2. Lundgren et al : Partner study . CROI 2014
3. EACS (European AIDS Clinical Society): Guidelines version 8.0. October 2015
4. Reynes et al. AFRAVIH Bruxelles 2016.
5. Lanzafame et al. J. AIDS. Vol 72, number 1, Mai 2016
6. Katlama et al. 15th EACS. Barcelone 2015
7. J-D. Lelièvre. AFRAVIH. Bruxelles 2016
8. Andrieux-Meyer I. AFRAVIH, Bruxelles 2016
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