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COVID-19 et Obésité: éléments à prendre en considération

29/04/21
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Category: Other
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Article paru dans le magasine Semper – édition avril 2021 – www.dsb.lu
Rubrique RECHERCHE sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du Clinical and Epidemiological Investigation Center du LIH

COVID-19 et Obésité: éléments à prendre en considération

La population mondiale fait face aujourd’hui à deux défis majeurs et concomitants de santé publique, la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et l’obésité. La situation est d’autant plus alarmante que l’obésité semble augmenter la sévérité de la COVID-19. Toutefois, la relation entre obésité et sévérité de la COVID-19 est plus complexe qu’une simple association avec le poids ou l’indice de masse corporelle (IMC).

Hanen Samouda, PhD, Department of Population Health, Luxembourg Institute of Health

 

En particulier, l’obésité a précédemment été associée à une faible mortalité relative au syndrome de détresse respiratoire aiguë (ARDS), ce dernier étant pourtant une comorbidité fatale de la COVID-19.

Ceci est peut-être dû à l’obesity paradox, impliquant que l’obésité peut être protective contre l’inflammation et peut augmenter les taux de survie dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë, alors que le poids normal peut augmenter la mortalité associée.

L’obesity paradox a d’abord été observé en cardiologie, où les patients avec un IMC élevé ayant eu un premier accident cardiaque avaient un meilleur pronostic en termes de morbi-mortalité, comparé aux patients ayant un IMC bas.

Le paradoxe de l’obésité

En relation avec l’obesity paradox, les individus ayant une «metabolically healthy obesity» (MHO) ou un «metabolically healthy overweight» (MHOV) présentent des valeurs élevées d’IMC mais une absence d’anomalies dans les profils inflammatoire, glycémique, lipidique, de tension artérielle et des adipokines, en comparaison avec les individus ayant une «metabolically unhealthy obesity» (MUO) ou un «metabolically unhealthy overweight» (MUOV). Les individus ayant un «metabolically unhealthy normal weight» (MUNW) présentent des valeurs basses d’IMC mais les mêmes anomalies cardiométaboliques présentes chez les personnes avec MUO ou MUOV.

En particulier, les individus ayant une MUO, un MUOV ou un MUNW présentent un risque augmenté de déve¬lopper des maladies métaboliques et cardiovasculaires, différentes formes de cancer (notamment cancer du sein et colorectal), ainsi que des maladies neurologiques et psychiatriques (dépression, maladie d’Alzheimer), et peuvent être à l’origine de la sévérité de la COVID-19 dû à la nature de leur profil cardiométabolique.

«L’accumulation de la graisse viscérale était significativement associée avec les formes sévères de la COVID-19.»

Lien avec l’infection aiguë

L’obesity paradox a été associé non seulement avec les maladies chroniques, mais également avec l’infection aiguë. Notamment, presque 3000 patients avec infection sévère de la peau et des tissus mous avaient présenté des taux de mortalité intra-hospitalière significativement plus bas que les patients ayant un poids normal et la même infection (2006–2010).

L’obésité a aussi été significativement associée avec une mortalité réduite de 30 jours chez des patients ayant contracté une pneumonie après une infection par la grippe A (H1N1) de 2009, comparés aux patients avec poids normal, dans une étude de plus de 1000 participants. Ces données soulignent la nécessité d’investiguer le rôle joué par l’obesity paradox dans la sévérité de la COVID-19. Les données publiées seraient plutôt en faveur du rôle significatif joué par les anomalies cardiométaboliques présentes dans les phénotypes MUO, MUOV et MUNW, indépendamment du statut pondéral.

Les individus ayant une MUO, un MUOV ou un MUNW ont également une accumulation de graisse ectopique, en particulier un excès de graisse viscérale, qui a été précédemment mis en avant comme facteur de risque majeur de développer un diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires, cancer, dépression et démence.

Risque d’admission en soins intensifs

Une étude récente a par ailleurs démontré que l’accumulation de la graisse viscérale était significative¬ment associée avec les formes sévères de la COVID-19, ce qui augmentait significativement le risque d’être admis dans les unités de soins intensifs pour la COVID-19 et de nécessiter une ventilation mécanique.

La graisse viscérale libère, de manière répétée, des cytokines pro-inflammatoires dans la veine porte, entraînant inflammation chronique, diminution de la sensibilité à l’insuline et développement de différentes comorbidités, tels que les maladies cardio-métaboliques et le cancer.

En outre, l’abondance de cytokines pro-inflammatoires présentes dans le tissu adipeux viscéral entraîne des lésions endothéliales, notamment dans les veines et les artères, mais également au niveau des alvéoles pulmonaires, ce qui augmente les complications de l’infection par le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-2).

Choc cytokinique

Un état pro-inflammatoire persistant mène notamment à un syndrome de libération des cytokines, ou choc cytokinique (cytokine storm), résultant d’une réaction excessive du système immunitaire caractérisée par des concentrations élevées de cytokines circulantes (interleukin-1 beta, IL-6, TNF-α), associées au développement de l’obésité viscérale.

Le cytokine storm est une complication commune des maladies respiratoires dues aux infections par coronavirus, en particulier le syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), le Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et le SARS-CoV-2.

Par ailleurs, l’Angiotensin-converting enzyme 2 (ACE2) a été associé au cytokine storm et à la sévérité de la COVID-19. En effet, le SARS-CoV-2 utilise l’ACE2 comme hôte récepteur fonctionnel pour envahir et infecter les cellules humaines via ses protéines de pointe S1 (S1 spike proteins), en se reproduisant dans le matériel génétique existant.

L’Angiotensin-converting enzyme 2 (ACE2) est particulièrement abondant dans les adipocytes viscéraux. Il joue un rôle important dans les processus inflammatoires associés à l’accumulation de la graisse viscérale et paraît être aussi impliqué dans les complications associées à la metabolically unhealthy obesity, en particulier l’hypertension.

«La coexistence de la COVID-19 et de l’obésité viscérale constitue un considérable défi de santé publique qui doit être pris en considération.»

Graisse viscérale

Une estimation simple et précise de la graisse viscérale peut être obtenue avec les modèles anthropométriques précédemment développés par le Dr Samouda du groupe de recherche «NutriHealth» du «Department of Population Health» au Luxembourg Institute of Health (LIH), en collaboration avec le Dr Frédéric Dadoun, médecin chef du service d’Endocrinologie-diabétologie au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL):

• Chez la femme: Graisse viscérale (cm2) = (2.15 × tour de taille) – (3.63 × tour de cuisse proximale) + (1.46 × âge) + (6.22 × IMC) - 92.713
• Chez l’homme: Graisse viscérale (cm2) = (6 × tour de taille) – (4.41 × tour de cuisse proximale) + (1.19 × âge) - 213.65

130 cm2 de graisse viscérale constitue le seuil de risque critique associé à l’augmentation des maladies cardiovasculaires.

Ces outils ont été validés dans la cohorte National Health and Nutrition Examination (NHANES), chez plus de 10.000 participants suivis pendant 20 ans, comme étant les meilleurs prédicteurs du risque cardiométabolique et de la mortalité précoce (cardiovasculaire, par cancer et toutes causes confondues), lorsque les imageries biomédicales de référence ne sont pas disponibles.

En conclusion, la coexistence de la COVID-19 et de l’obésité constitue un considérable défi de santé publique qui doit être pris en considération. L’association entre l’obésité et la COVID-19 est plus complexe qu’une simple association avec le poids.

L’hétérogénéité de la composition corporelle, notamment l’accumulation de la graisse viscérale, les anomalies cardio-métaboliques indépendantes du statut pondéral, l’inflammation chronique et les processus associés comme le cytokine storm et l’expression de l’ACE2 contribuent significativement à la sévérité de la COVID-19.

Une meilleure définition de l’obésité devrait aider à mieux diagnostiquer et prendre en charge les individus à risque. Ceci permettra de mieux prévenir la sévérité de la COVID-19, mais également d’autres maladies, tant infectieuses que chroniques.



 

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