Article paru dans le magazine SEMPER – édition mars 2022 – www.dsb.lu
REGULATORY : Une rubrique originale de Semper Luxembourg en collaboration avec la Division de la Pharmacie et des Médicaments - Sous la Direction du Dr Anna Chioti
Le 11 mars 2020, dans son allocution liminaire lors du point presse sur la COVID-19, le Directeur général de l’OMS déclarait que la COVID- 19 pouvait être qualifiée de pandémie, sonnant l’alarme, haut et fort. Très vite, la recherche sur le virus et la mise en place d’essais cliniques évaluant l’efficacité et l’innocuité des interventions pour traiter la COVID-19 ont émergé à un rythme sans précédent dans le but de répondre à ce nouveau défi de santé publique.
Dès le mois de mai 2020, nous vous avions présenté un cahier spécial de dix pages consacré à la recherche clinique et aux conditions d’accès aux médicaments prometteurs dans la COVID-19 (voir Semper N°124). Par la suite, en février 2021, nous avions fait le point sur le développement des anticorps monoclonaux dans le traitement de la COVID-19 (voir Semper N°132).
Deux ans après, nous avons plusieurs armes thérapeutiques à notre disposition qui, couplées aux mesures sanitaires, ont permis de réduire les formes graves et la mortalité de la COVID-19. Outre la vaccination, qui est proposée en prévention, il existe aujourd’hui plusieurs types de traitements qui vont pouvoir être utilisés à chaque stade de la maladie.
Le mois dernier, nous avions exposé les conditions d’accès à un nouveau traitement antiviral, le molnupiravir (Lagevrio®), pour le traitement de la COVID-19 chez des patients adultes qui ne nécessitent pas d’oxygène supplémentaire et qui sont à risque élevé de progression vers une forme sévère de COVID-19 (voir Semper N°143).
Ce médicament n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché, son utilisation est strictement encadrée par la Direction de la Santé et les délivrances effectuées dans les pharmacies hospitalières sont suivies de manière hebdomadaire par la Division de la Pharmacie et des Médicaments (DPM).
Depuis lors, un autre antiviral a obtenu une autorisation de mise sur le marché auprès de l’EMA. Il s’agit du Paxlovid®, une association de nirmatrelvir et de ritonavir.
Dans ses recommandations du 14 janvier 2022, le Conseil Scientifique du domaine de la Santé précise que le Paxlovid® est indiqué pour le traitement de la COVID-19 chez les adultes qui n’ont pas besoin d’oxygène supplémentaire et qui présentent un risque accru d’évolution vers une COVID-19 sévère.
Le traitement est à réserver pour les patients à risque de développer une COVID-19 sévère et n’est donc pas recommandé pour un traitement à grande échelle. Faisant suite à cette recommandation, la Commission des experts, qui statue sur les médicaments au Luxembourg en collaboration avec la DPM, a conclu que la mise à disposition du Paxlovid® devait également être encadrée par une délivrance via les pharmacies hospitalières.
Les modalités d’accès à ce traitement sont disponibles sur le site de la Direction de la Santé (sante.public.lu/ traitements-covid19).
En effet, le ritonavir est un médicament à l’origine d’interactions médicamenteuses nombreuses et dont les effets peuvent être importants. Lors de l’instauration du traitement une attention particulière doit être portée à ce risque.
Le respect des contre-indications mentionnées dans le résumé des caractéristiques du produit ainsi que la prévention des interactions médicamenteuses cliniquement significatives avec des traitements concomitants sont essentiels.
Pour autant, le risque d’interactions médicamenteuses ne doit pas constituer un frein à l’utilisation du Paxlovid® chez le patient pouvant bénéficier de ce traitement antiviral.
A l’exception de quelques situations particulières ou la co-prescription est impossible, on peut soit: maintenir le traitement du patient, l’interrompre pendant la durée du traitement antiviral, ou adapter les posologies des médicaments co-prescrits. La plupart des traitements prescrits de manière chronique chez le patient peuvent être, au besoin, suspendus sans risque pendant les cinq jours du traitement antiviral.
On peut vérifier l’impact en termes d’interactions via des outils en ligne, par exemple sur le site dédié de l’Université de Liverpool (www.covid19- druginteractions.org).
Ce site permet d’introduire les noms des médicaments concomitants pour chacun des traitements COVID-19 listés et donne une indication quant au risque d’interaction sous la forme d’un code couleur (vert et jaune: pas d’interaction cliniquement significative, rouge: risque important; orange: balance bénéfice-risque à évaluer au cas par cas).
On peut également y retrouver un document contenant plus de détails spécifiques sur le métabolisme, le potentiel d’interaction et les effets cardiaques des différents traitements COVID-19.
En ce qui concerne le Paxlovid®, le fabricant a également développé un site dédié au produit et permettant de vérifier les interactions avec d’autres médicaments (www.covid19oralrx.com).
En cas de préférence pour une référence francophone, on peut citer le site de la Société Française de Pharmacologie et Thérapeutique (https://sfpt-fr.org/recospaxlovid) qui a élaboré des recommandations thérapeutiques dans le cadre d’associations de médicaments avec le nirmatrelvir/ ritonavir (Paxlovid®).
«Il est essentiel de tenir compte du stade de la maladie, de l’état du patient et du variant viral concerné pour choisir le traitement le plus approprié.»
La panoplie des traitements testés cliniquement et approuvés est maintenant plus conséquente. Mais ils ont des spécificités qui nécessitent une administration en phase avec le décours de la maladie, autrement dit, il est essentiel de tenir compte du stade de la maladie, de l’état du patient et du variant viral concerné pour choisir le traitement le plus approprié.
La figure ci-contre illustre la subdivision de la COVID-19 en 3 stades: le stade d’infection précoce, le stade pulmonaire et le stade d’hyper inflammation.
Au début de l’infection, la charge virale (ligne violette dans la zone bleue) commence à augmenter et à certains moments, elle commence à activer la réponse immunitaire de l’hôte (zone rouge).
Alors que la maladie progresse vers un état plus grave, les cytokines pro-inflammatoires s’accumulent et commencent à former des anticorps contre le virus.
Lorsque la maladie n’est pas traitée rapidement, la COVID-19 peut basculer vers le stade d’hyper inflammation, de défaillance multi-viscérale et de décès.
Par ailleurs, on peut également aborder les traitements sous l’angle de l’invasion du SRAS-CoV-2 et de la réponse du système immunitaire de l’hôte.
Actuellement, on pense que deux voies principales sont à l’origine de la pathogenèse de la COVID-19. Au stade précoce de l’infection, il est principalement question de l’identification, la fusion, l’entrée et la répli¬cation du SRAS-CoV-2, également appelé cycle de réplication, qui est principalement modulé par les protéines virales.
Au stade avancé de la progression de l’infection, il est question d’une im¬portante réponse inflammatoire/immunitaire au SRAS-CoV-2 qui entraîne des lésions tissulaires. Ainsi, les protéines du virus et les facteurs de l’hôte sont essentiels à la pathogenèse de la COVID-19 et sont des cibles potentielles pour la thérapie antivirale.
Les médicaments et leurs cibles correspondantes sont indiqués dans cette autre illustration ci-contre.
Pour en revenir sur le positionnement clinique, cette autre illustration (ci-dessus) est intéressante de par la place des traitements en fonction des étapes pertinentes de la COVID-19, y compris trois périodes: pré-exposition, incubation et réplication virale détectable; et cinq phases: la phase de symptômes viraux, la phase inflammatoire précoce, la phase d’infection secondaire, la phase inflammatoire multi-systémique et la phase finale.
Les nouveaux traitements ont été développés et testés à un moment où le variant Omicron n’était pas encore présent. Des données actualisées ont remis en question leur efficacité vis-à-vis de ce variant. Les graphes ci-contre illustrent le fait que la sensibilité aux anticorps monoclonaux semble être plus faible pour Omicron que pour Delta, le sotrovimab étant probablement efficace.
Mis à part le sotrovimab, les antiviraux gardent une certaine activité, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, présenté aux Etats-Unis par le CDC (Centers for Disease Control and Prevention).
«L’objectif de la thérapie pour les patients ambulatoires atteints de COVID-19 non sévère est d’empêcher la progression vers une maladie grave, réduisant ainsi la sollicitation des services, les hospitalisations et les décès.»
Nous devons être conscients que les recommandations vont encore bouger durant les semaines et les mois qui viennent. Avec l’apparition du variant Omicron, les anticorps monoclonaux resteront pour l’instant réservés aux groupes à très haut risque de forme grave de COVID-19. De plus, aucun de ces produits n’est destiné à être utilisé comme substitut de la vaccination contre le SRAS-CoV-2.
L’objectif de la thérapie pour les patients ambulatoires atteints de COVID-19 non sévère est d’empêcher la progression vers une maladie grave, réduisant ainsi la sollicitation des services d’urgence, les hospitalisations et les décès. Elle vise à réduire la durée de la maladie, réduire l’infectiosité et la transmission continue et à minimiser le potentiel de submerger le système de santé, tout en gardant une balance bénéfice-risque favorable au patient.
La taskforce COVID Therapeutics de la Belgique met à disposition sur le site du KCE (Centre Fédéral d’Expertise en Soins de Santé) des ressources intéressantes intitulées «Balises pour le traitement médicamenteux du COVID-19» (https://kce.fgov.be/fr/ balises-pour-le-traitement-m%C3%A9dicamenteux-du-covid-19). On y retrouve notamment un résumé intéressant pour le médecin généraliste intitulé «Balises pour le traitement précoce ambulatoire des patients at¬teints d’infection non sévère à SRAS-COV-2» (https://kce.fgov.be/sites/ default/files/atoms/files/BalisesCOVIDGP22022025-FR.pdf).
Au Luxembourg, nous vous invitons à consulter le site du Conseil Scientifique du domaine de la Santé (https://conseil-scientifique.public.lu/ fr/Lignes-de-conduite.html), le site de la Direction de la Santé (https://sante.public.lu/traitements-covid19) ainsi que le site Infovaxx (https://covid19. public.lu/en/vaccination/infovaxx. html) qui regroupe les sujets d’information diffusés notamment via les Lunch Talks (le présent article reprend les informations présentées par le Dr Chioti lors du Lunch Talk diffusé le 10 février 2022).
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