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L’usage compassionnel d’un médicament

04/06/20
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Category: Other
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REGULATORY : Une rubrique originale de Semper Luxembourg en collaboration avec la Division de la Pharmacie et des Médicaments

Cet article est paru dans le magasine SEMPER - édition mars 2020 – www.dsb.lu


L’usage compassionnel d’un médicament

L’usage compassionnel consiste à rendre un médicament disponible, pour des raisons compassionnelles, à un groupe de patients souffrant d’une maladie invalidante, chronique ou grave, ou d’une maladie considérée comme mettant la vie en danger, ces patients ne pouvant pas être traités de manière satisfaisante par un médicament autorisé.

Par Dr Eric Mertens

 

En d’autres termes, il n’est pas exigé que le médicament ait déjà été autorisé quelque part dans le monde. Si le médicament a été ou est soumis à un essai clinique pour la maladie dont le patient est atteint, le médecin peut demander une autorisation d’usage compassionnel.

Cette première définition implique déjà qu’un médicament prescrit pour un usage compassionnel est d’abord un traitement. Cette prescription ne relève d’aucune expérience, d’aucun essai clinique, mais vise à traiter une personne qui nécessite une nouvelle solution thérapeutique pour mieux maîtriser la maladie.

La demande est formulée par le médecin auprès de l’entreprise pharmaceutique qui développe le médicament et auprès des autorités nationales qui doivent en accepter l’usage compassionnel.

La législation européenne stipule que le médicament concerné doit soit avoir fait l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, soit être en cours d’essais cliniques.

Rôle de l’EMA

La plupart des États membres de l’UE disposent d’un système spécial pour permettre l’accès compassionnel aux médicaments.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) a par ailleurs certaines prérogatives et peut donner son avis pour une série de produits pouvant bénéficier d’un accès compassionnel. Ces produits pour lesquels l’EMA peut être sollicitée sont les produits développés suivant des processus biotechnologiques, les thérapies innovantes, les médicaments contenant une nouvelle substance active et indiqués dans le traitement: 1) du sida, 2) du cancer, 3) de maladies neurodégénératives, 4) du diabète, 5) de maladies auto-immunes et 6) de maladies virales; et, enfin, les médicaments orphelins.

Tout pays membre de l’UE peut solliciter l’avis du comité d’experts de l’EMA, le Comité des médicaments à usage humain (CHMP). En fonction des informations disponibles sur l’efficacité et la sécurité du médicament en question, le CHMP peut décider si l’accès compassionnel à un nouveau produit faisant l’objet d’essais cliniques est pertinent ou non, et pour quels malades.

L’avis du CHMP n’est pas contraignant; les États membres ne sont nullement obligés de le suivre. Le CHMP n’analyse en outre pas la partie organisationnelle des programmes d’usage compassionnel, qui relèvent de la réglementation en vigueur dans chaque pays. Chaque fois qu’un État membre autorise un programme d’usage compassionnel, il doit néanmoins en informer l’EMA.

Qui sollicite l’avis de l’EMA?

Les rôles respectifs de l’entreprise pharmaceutique, des autorités nationales et de l’EMA sont bien définis. Les autorités nationales peuvent solliciter l’avis de l’EMA sur la façon d’administrer, de distribuer et d’utiliser certains médicaments dans le cadre d’un usage compassionnel.

Le CHMP identifie également quels patients pourraient en bénéficier, et les Etats Membres sont invités à prendre ces recommandations en considération lors de leur prise de décision.

Il n’appartient pas aux entreprises pharmaceutiques de contacter l’EMA pour solliciter un avis, mais elles peuvent, si elles le souhaitent, informer l’EMA de dossiers en cours à un niveau national. Les autorités nationales informeront l’EMA si elles rendent un produit disponible pour un groupe de patients dans le cadre d’un usage compassionnel.

Cadre européen:  Article 83 du Règlement (CE) No 726/2004

Défini par l’Article 83 du Règlement (CE) No 726/2004, ce mécanisme est conçu pour:

  • faciliter et améliorer l’accès aux programmes d’usage compassionnel pour les patients de l’Union Européenne;
  • favoriser une approche commune pour les conditions d’utilisation, les conditions de distribution et les patients ciblés par l’usage compassionnel de nouveaux médicaments non autorisés;
  • augmenter la transparence entre Etats Membres en termes de disponibilité des traitements.

Extraits de cet Article 83:

  1. Par dérogation à l’article 6 de la directive 2001/83/CE, les États membres peuvent rendre disponible en vue d’un usage compassionnel un médicament à usage humain relevant des catégories visées à l’article 3, paragraphes 1 et 2, du présent règlement.
  2. Aux fins du présent article, on entend par «usage compassionnel», la mise à disposition, pour des raisons compassionnelles, d’un médicament relevant des catégories visées à l’article 3, paragraphes 1 et 2, à un groupe de patients souffrant d’une maladie invalidante, chronique ou grave, ou d’une maladie considérée comme mettant la vie en danger, ces patients ne pouvant pas être traités de manière satisfaisante par un médicament autorisé. Le médicament concerné doit soit avoir fait l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché conformément à l’article 6 du présent règlement, soit être en cours d’essais cliniques.
  3. Lorsqu’un État membre a recours à la possibilité prévue au paragraphe 1, il le notifie à l’Agence.
  4. Lorsqu’un usage compassionnel est envisagé, le comité des médicaments à usage humain peut, après avoir consulté le fabricant ou le demandeur, adopter des avis sur les conditions d’utilisation, les conditions de distribution et les patients cibles. Ces avis sont régulièrement mis à jour.
  5. Les États membres tiennent compte de tous les avis existants.
  6. L’Agence tient à jour une liste des avis adoptés conformément au paragraphe 4, qui sont publiés sur son site Internet.
  7. Les avis visés au paragraphe 4 ne portent pas atteinte à la responsabilité civile ou pénale du fabricant ou du demandeur de l’autorisation de mise sur le marché.
  8. Dans la mesure où un programme a été mis en place à titre d’usage compassionnel, le demandeur veille à ce que les patients qui y participent aient également accès au nouveau médicament pendant la période courant entre la délivrance de l’autorisation et la mise sur le marché.
  9. Le présent article est sans préjudice de la directive 2001/20/CE et de l’article 5 de la directive 2001/83/CE.
La liste des avis adoptés par l’EMA est consultable sur le site internet de l’EMA à l’adresse suivante: https://www.ema.europa.eu/en/human-regulatory/research-development/compassionate-use#compassionate-use-opinions-section

 

Accès individuel et accès étendu versus usage compassionnel

L’usage compassionnel ne doit pas être confondu avec les traitements pour un «patient désigné nommément» (‘named-patient basis’ treatments), ni avec les «programmes d’accès étendu» (‘expanded access programmes’).

Un médecin peut, sous sa propre responsabilité, demander au fabricant d’un médicament de procurer ce médicament avant autorisation pour un patient, sur une base individuelle. On parle alors généralement de traitement pour un «patient désigné nommément», ce qui ne doit pas être confondu avec les programmes d’usage compassionnel.

Dans le cas d’un traitement pour un « patient désigné nommément »:
• le médecin responsable du traitement contactera le fabricant directement;
• si les fabricants enregistrent effectivement ce qu’ils fournissent, il n’existe pas de registre central des patients recevant un traitement de cette manière.

Dans d’autres cas, des patients peuvent intégrer des « programmes d’accès étendu ». Une société qui fabrique un médicament prometteur peut par exemple choisir d’exécuter un de ces programmes pour permettre un accès précoce au dit médicament et pour élargir son usage à des patients qui pourraient en tirer un bénéfice.

Typiquement, des patients qui ont été traités avec le médicament pendant un essai clinique et qui souhaitent poursuivre le traitement pourraient être en mesure de le faire via un programme d’accès étendu. Ces pro grammes sont souvent autorisés par les autorités nationales de la même manière que les essais cliniques et les patients sont alors suivis de la même façon que les patients prenant part à un essai clinique.

Bon à savoir: la FDA américaine utilise indifféremment les termes « accès étendu » et « usage compassionnel », ce qui peut être une source de confusion par rapport à la terminologie européenne.

Les médicaments ne disposant pas encore d’une autorisation de mise sur le marché sont généralement d’abord mis à disposition via les études cliniques et il faudrait toujours envisager l’inclusion de patients dans des études avant de passer aux programmes d’usage compassionnel.

 

 

Usage compassionnel au Luxembourg

Et au Grand-Duché de Luxembourg, que faut-il savoir de l’usage compassionnel des médicaments? Nous posons la question au Dr Anna Chioti, Médecin / Chef de Division - Division de la Pharmacie et des Médicaments (DPM), chargée de la création de l’Agence du Médicament et des Produits de Santé.
 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’usage compassionnel est-il une pratique «courante» au Luxembourg?

Dr A. Chioti: Au Luxembourg, comme dans les autres états membres de l’UE, les autorités sont de plus en plus sollicitées par des entreprises pharmaceutiques et des médecins qui souhaitent proposer aux patients un accès accéléré à un traitement prometteur en l’absence d’alternative satisfaisante disponible. Des autorisations sont actuellement émises au Luxembourg pour des demandes individuelles, c’est-à-dire pour des patients nommément désignés, mais nous n’avons pas encore de loi spécifique qui définit clairement les modalités d’accès et les responsabilités, ni les programmes d’usage compassionnel qui concernent un groupe de patients. Or ceci est très important pour nous permettre d’assurer un meilleur suivi de l’efficacité et surtout de la sécurité de ces médicaments. C’est pourquoi, le ministère de la santé a proposé des mesures pour encadrer cette pratique dans le projet de loi 7383 déposé à la Chambre des Députés en octobre 2018 et qui devrait bientôt être adopté. La volonté est clairement de permettre un accès facilité aux patients tout en garantissant leur sécurité.

A qui s’adresser, comme médecin clinicien, pour solliciter pour un patient l’accès à un traitement en usage compassionnel?

Dr A. Chioti: Avant toute chose, le clinicien doit vérifier si le médicament a une autorisation de mise sur le marché en Europe, par exemple en consultant le site de l’Agence européenne du médicament ou en contactant l’entreprise qui le développe. L’entreprise pourra le renseigner sur des essais cliniques éventuellement en cours et sur la possibilité d’y inclure le patient. Dans beaucoup de cas, cette option n’est pas possible à cause de la limitation du nombre de sites ouverts au recrutement pour une même étude et à cause des délais pour les autorisations qui ne sont pas possibles pour des patients gravement malades. C’est là que l’usage compassionnel prend tout son sens. A la Division de la pharmacie et des médicaments, nous préparons une information qui sera bientôt disponible en ligne et qui renseignera sur les modalités prévues dans le projet de loi 7383.

Quel est le délai habituel de la procédure?

Dr A. Chioti: Actuellement, lorsque nous recevons une demande pour un usage compassionnel, nous sommes en mesure d’y répondre très rapidement et dans la majorité des cas le jour même.

Qui finance le médicament en usage compassionnel?

Dr A. Chioti: Le financement est un défi important que pose l’usage compassionnel de médicaments. En principe, vu qu’il s’agit justement d’usage compassionnel, les firmes pharmaceutiques les mettent à disposition gracieusement. Mais rien ne les y oblige. Il est donc impératif pour nous de pouvoir dialoguer avec ces sociétés pour trouver des solutions acceptables pour tous. En effet, vu que les médicaments innovants sont relativement chers, il devient de plus en plus difficile pour les gouvernements et les payeurs de les inclure dans leurs systèmes de remboursement. Cela démontre encore une fois l’importance d’avoir des réglementations clairement définies et des procédures rationalisées pour aider les patients, les associations de patients et les médecins à avoir un meilleur accès aux médicaments.

 

Références et sources utiles:

Cet article résume différentes sources qui peuvent être utilement consultées par les professionnels de la santé et/ou les patients.

Agence Européenne du Médicament (disponible en anglais seulement)
Questions-réponses sur l’usage compassionnel des médicaments: https://www.ema.europa.eu/en/ documents/other/questions-answers-compassionate-use-medicines-european-union_en-0.pdf 
Rôle de l’EMA eu du CHMP en matière d’usage compassionnel: https://www.ema.europa.eu/en/ human-regulatory/research-development/compassionate-use#compassionate-use-opinions-section 

EUPATI - Académie Européenne des Patients
EUPATI propose en français et en d’autres langues les question-réponses sur l’usage compassionnel des médicaments, basées sur l’information de l’EMA?
https://www.eupati.eu/fr/developpement-et-essais-cliniques/usage-compassionnel/

EURORDIS - Rare Diseases Europe
EURORDIS met à disposition un dossier complet sur l’usage compassionnel des médicaments. Le site est disponible en anglais, français, allemand, espagnol, italien, portugais et russe. https://www.eurordis.org/fr/usage-compassionnel
 

 

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