Article paru dans le magazine Semper – édition avril 2019 – www.dsb.lu
La PreP, ou Prophylaxie Pré-exposition, est une thérapie qui vise à empêcher le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) d’infecter les sujets à risque. Une étude pilote de deux ans est actuellement menée au Luxembourg afin d’évaluer l’impact de ce nouvel outil dans la lutte contre le VIH.
Aurélie Fischer, coordinatrice de recherche clinique au Centre d’Investigation et d’Epidémiologie Clinique, Luxembourg Institute of Health
L’infection par le VIH continue d’être un problème de santé publique majeur dans le monde entier. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le VIH a causé plus de 35 mil¬lions de décès à ce jour. Environ 36,7 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. Entre 2000 et 2016, le nombre de nouvelles infections a globalement diminué de 39%, alors qu’il a augmenté de 7% dans la région Europe en 2015, avec un nombre cumulé de cas de plus de 2 millions.
Un nouveau plan d’action1 a été approuvé en 2016 par le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe pour mettre fin à l’épidémie du Syndrome d’im¬munodéficience acquise (SIDA) d’ici 2030. Selon le Rapport de surveillance du VIH/SIDA 2015 du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), plus de 122 000 personnes en Europe seraient actuellement infectées par le VIH sans en être conscientes, ce qui correspond à 14% des personnes vivant avec le VIH. Le plan d’action invite les gouvernements à développer des programmes nationaux de lutte contre le VIH avec des mesures novatrices pour promouvoir le dépistage du virus, faciliter l’accès aux traitements et soutenir les personnes séropositives avec des soins médicaux et psychosociaux. Pour être efficaces, les interventions doivent être adaptées au contexte épidémiologique local.
Au Luxembourg, l’épidémie de VIH est influencée par des facteurs spécifiques comme de nouveaux comportements à risque, les changements dans l’usage de drogues, les flux migratoires et la précarité accrue de certaines populations. Bien que de nombreuses mesures du plan VIH précédent soient en place, le nombre de nouvelles infections continue à augmenter face à l’émergence de ces nouveaux défis (cette augmentation reste néanmoins à peser face à l’augmentation globale de la population luxembourgeoise).
En effet, en 2017, le nombre de nouveaux cas d’infection à VIH au Luxembourg a atteint un nouveau record, avec 101 personnes touchées (74 hommes et 27 femmes) 2. Le principal mode d’infection reste les rapports hétérosexuels, suivis des rapports homosexuels et bisexuels et de la consommation de drogues intraveineuses.
Le schéma actuellement recommandé est la prise en continu, c’est-à-dire la prise d’un comprimé par jour de Truvada®. Avec ce schéma, une protection maximale en cas de rapports anaux est obtenue après sept jours et en cas de rapports vaginaux après 21 jours. Ce type de prise est donc le seul à recommander pour les femmes. La prise à la demande: Ce schéma nécessite d’anticiper ses rapports sexuels et comprend deux comprimés pris entre 24 h et 2 h précédant l’acte sexuel, puis un comprimé 24 h et un autre 48 h après la première prise. Tant que la période d’activité sexuelle se poursuit, la prise toutes les 24 h doit être envisagée. Lorsque cette période se termine, il est impor¬tant de ne pas oublier les prises 24 h et 48 h après celle précédent le dernier rapport sexuel.
Schéma adapté de: https://www.be-prep-ared.be/wp-content/uploads/2015/07/demande.jpg |
Le plan national VIH 2017-2021 élaboré par le Comité de surveillance du SIDA, des hépatites infectieuses et des maladies sexuellement transmissibles propose de nouvelles mesures innovantes pour s’adapter à cette nou¬velle situation et enrayer de nouvelles transmissions dans le pays.
La PreP fait partie de cet arsenal pour cibler les personnes à haut risque de contracter le virus (par exemple en raison d’un grand nombre de rapports sexuels non protégés, en cas d’usage de drogue avec échange de seringue ou de prostitution) et tenter de diminuer les nouvelles infections. Une étude pilote est actuellement en cours au Service National de Maladies Infectieuses (SNMI) du Centre Hospitalier du Luxembourg (CHL) et per¬mettra l’évaluation de cet outil à l’issu des deux premières années. Le Centre d’Investigation et d’Epidémiologie Cli-nique (CIEC) du Luxembourg Institute of Health (LIH) a agi en tant que sup¬port aux médecins du SNMI pour la mise en place de cette étude pilote.
Plus de 122 000 personnes en Europe seraient actuellement infectées par le VIH sans en être conscientes, ce qui correspond à 14% des personnes vivant avec le VIH. |
La PreP est basée sur le principe qu’une personne séronégative à haut risque d’infection peut voir ce risque diminué en prenant un traitement antirétroviral. La PreP orale consiste en l’administration du Truvada®, un médicament combinant Tenofovir et Emtri-citabine (TDF/FTC), également indiqué pour le traitement de l’infection VIH, et actuellement seul ayant une autorisation pour une indication PreP.
Les molécules antirétrovirales prises par voie orale agissent dans le sang, les tissus génitaux et rectaux de manière à empêcher le virus de se répli¬quer dans les cellules immunitaires et ainsi de s’installer dans le corps. Pour que cette stratégie soit efficace, les concentrations plasmatiques de ces molécules doivent être optimales, et il est donc très important que les personnes en bénéficiant respectent le schéma de prise préconisé par le médecin prescripteur. Deux types de prise sont actuellement proposés: la prise en continu et la prise à la demande (cf. encart 1).
Les études cliniques Proud3 et Ipergay4, réalisées en Angleterre et en France respectivement, ont montré que l’usage du Truvada® ou de ses génériques, pourrait amener à une réduction du risque d’infection d’environ 85% aussi bien en cas d’utilisation continue du médicament qu’en cas d’une prise temporaire, évidemment à condition d’une adhérence rigoureuse aux modalités du traitement. Dans des études plus anciennes, insistant moins sur la bonne adhérence au traitement, les taux de protection étaient nettement moins bons, de l’ordre de 50% (iPrEx5 par exemple).
Au Luxembourg, l’épidémie de VIH est influencée par des facteurs spécifiques comme de nouveaux comportements à risque, les changements dans l’usage de drogues, les flux migratoires et la précarité accrue de certaines populations. |
La PreP est destinée aux personnes séronégatives à haut risque de contracter le VIH. Ce sont les médecins spécialistes du SNMI qui évaluent la pertinence de proposer une PreP à une personne se présentant à la consultation. Le risque d’infection peut être par voie sexuelle, comme des relations anales ou vaginales non protégées avec un grand nombre de partenaires ou avec un partenaire séropositif non traité par des antiré-troviraux. Les experts recommandent aussi l’utilisation de la PreP chez les usagers de drogues par voie intraveineuse avec partage de seringue, les personnes en situation de prostitution exposées à des rapports sexuels non protégés et toute personne en situation de vulnérabilité exposée à des rapports sexuels non protégés à haut risque de transmission du VIH.
Les contre-indications à la PreP sont:
• Séropositivité au VIH ou sérologie VIH inconnue
• Présence de signes ou symptômes d’infection aiguë par le VIH (symp¬tômes proche d’une grippe, ganglions, etc.
• Problématiques rénales caractérisées par une clairance à la créatinine < 50 ml/min
• Allaitement
• Hypersensibilité à l’un des principes actifs ou des excipients du traitement
Par ailleurs le schéma d’administration non-continu est contre-indiqué en cas d’infection au virus de l’hépatite B.
En conclusion, la PreP représente une avancée majeure dans la prévention du VIH. Néanmoins elle n’est pas destinée à remplacer le préservatif et une évaluation de cet outil est nécessaire au niveau de l’adhérence au traitement et au suivi proposé, de la recrudescence éventuelle d’autres infections sexuellement transmissibles ou de l’apparition de phénomènes comme le partage des comprimés entre partenaires. Cette étude pilote apportera de premiers éléments de réponse très prochainement.
Le Service National des Maladies Infectieuses (SNMI)Le SNMI qui se trouve au Centre Hospitalier du Luxembourg (CHL) comprend les consultations médicales et infirmières pour des patients en ambulatoire ou hospitalisés, une unité de soins et un laboratoire de microbiolo¬gie. Il travaille en étroite collaboration avec le LIH, l’Unité de Prévention de l’Infection (UPI) du CHL et la Direction de la santé du Ministère de la santé et a des missions d’intérêt national et international. Les consultations médicales concernent les maladies infectieuses (suivi des patients, consultations PreP) dont aussi les maladies tropicales. La «travel clinic» du SNMI propose des conseils et les vaccinations aux personnes entreprenant des voyages à l’étranger et les prend en charge en cas de problème de santé lié à un voyage. La consultation infirmière propose quant à elle le dépistage gratuit et anonyme du VIH, la prise en charge de la Prophylaxie Post-exposition (PEP) ainsi qu’une consultation d’adhérence thérapeutique antivirale pour le VIH. Elle procède enfin à de l’information et de la prévention en santé sexuelle. Source: https://centre.chl.lu/fr/service/maladies-infectieuses |
1. Plan d’action pour la riposte du secteur de la santé au VIH dans la Région euro¬péenne de l’OMS, OMS Europe (2016)
2. Rapport d’activité 2017, Comité de surveillance du SIDA, des hépatites infectieuses et des maladies sexuellement transmissibles
3. Pre-exposure prophylaxis to prevent the acquisition of HIV-1 infection (PROUD): effectiveness results from the pilot phase of a pragmatic open-label randomised trial. McCormack et al. Lancet. 2016 Jan 2;387(10013):53-60
4. On-Demand Pre-exposure Prophylaxis in Men at High Risk for HIV-1 Infection. Molina et al. N Engl J Med. 2015 Dec 3;373(23):2237-46
5. Pre-exposure Chemoprophylaxis for HIV Prevention in Men Who Have Sex with Men. Grant et al. N Engl J Med. 2010 December 30; 363(27): 2587–2599
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