La nouvelle réglementation européenne sur les essais cli¬niques (No 536/2014), adop¬tée en mai 2014, va progres-sivement remplacer l’ancienne directive (2001/20/EC) et sera applicable en 2018. En atten¬dant cette implémentation, les acteurs du secteur de la recherche clinique se pré¬parent, notamment à travers des événements d’information et d’échange.
Le Forum européen pour les bonnes pratiques cliniques (EFGCP)1, association de professionnels de la recherche biomédicale, a dédié sa conférence annuelle 2017 (21 et 22 février à Bruxelles)2 à la présentation de la nouvelle réglementation euro¬péenne, en invitant les participants à des sessions interactives de discussion et d’évaluation critique des différents points clés qui vont subir des change¬ments dans un futur désormais très proche.
La Directive 2001/20/EC a initialement été développée surtout pour les activi¬tés des promoteurs d’essais cliniques industriels pharmaceutiques. Mais, in fine, elle a eu un impact négatif sur la recherche clinique européenne car on a constaté, au fil des ans, une réduc-tion progressive des essais cliniques allant jusqu’à 25%3, 4. Entre autres explications de cette chute, on peut retenir l’excès de procédures adminis¬tratives lié à la nécessité de répéter les autorisations dans chaque pays euro¬péen pour les études multicentriques. Ces exigences bureaucratiques ont plus particulièrement affecté la re¬cherche académique qui ne dispose pas des mêmes moyens financiers et humains que l’industrie pharmaceu¬tique5. Par ailleurs, l’impact significa¬tif sur les coûts de gestion et de suivi des essais cliniques qui s’en est suivi a poussé les industriels à délocaliser une partie de leurs activités de recherche clinique en dehors de l’Union Européenne.
Le paysage de la recherche clinique européenne a énormément évolué depuis 2001 et la Directive n’est plus adaptée. En effet, le nombre de pays membres de l’UE est passé de 15 en 2001 à 28 pays actuellement. D’autre part, le développement et l’intégra¬tion des nouvelles technologies et disciplines telles que la génomique, la médecine personnalisée et les mala¬dies rares, nécessitent d’emblée des études impliquant plusieurs pays, et ce, notamment afin de pouvoir recru¬ter suffisamment de participants.
La Directive ne permettait pas aux investigateurs du secteur académique de savoir précisément quelles étaient les exigences pour des concepts d’études dénués d’objectif commer¬cial (p.ex. en dehors d’une autori¬sation de mise sur le marché) et qui n’étaient pas définis. C’est pourquoi l’article 2 de la Réglementation repré¬cise les définitions d’étude clinique et d’essai clinique, mais introduit égale¬ment le nouveau concept d’«essai cli¬nique à faible niveau d’intervention», dont les exigences réglementaires, documentaires et de monitorage sont moins contraignantes.
Aperçu des améliorations prévues dans la nouvelle réglementation a) les médicaments expérimentaux, à l’exclusion des placebos, sont autorisés; b) selon le protocole de l’étude clinique: i. les médicaments expérimentaux sont utilisés conformément aux conditions de l’autorisation de mise sur le marché; ou ii. l’utilisation des médicaments expérimentaux est fondée sur des données probantes et étayée par des publications scientifiques concernant la sécurité et l’efficacité de ces médicaments expérimentaux dans l’un des États membres concernés; et c) les procédures supplémentaires de diagnostic ou de surveillance impliquent au plus un risque ou une contrainte supplémentaire minimale pour la sécurité des participants par rapport à la pratique clinique normale dans tout État membre concerné. |
1. La réduction du nombre et le retard dans le lancement d’essais non com¬merciaux initiés par des investigateurs académiques, y compris ceux portant sur des médicaments com¬mercialisés, ont suscité une définition plus claire des essais menés par des investigateurs sur des médicaments autorisés et commercialisés, qui se¬ront soumis à des exigences moins strictes. C’est le concept d‘«essais à faible niveau d’intervention» ajouté dans la nouvelle réglementation.
2. Selon la Directive, plusieurs autorités de réglementation sont tenues d’approuver un essai clinique mul¬tiétatique conduisant à une grande quantité de documents et de coûts associés. Suite à la Réglementation, le promoteur sera tenu de soumettre un dossier de demande unique pour tous les états membres concernés au sein de l’UE.
3. Différents types de formulaires dans différents États membres de l’UE sont nécessaires pour obtenir l’approbation d’un essai clinique sous la Directive. Avec la Réglementation, le dossier de candidature suivra un format harmonisé et sera soumis par le biais d’un portail Web unique (portail de l’UE)7.
4. D’après la Directive, des calendriers d’approbation variables et des éva¬luations divergentes des demandes d’essais cliniques sont présentés par les promoteurs aux différents États membres. Grâce à la Réglementation, tous les États membres devront suivre les calendriers et les procédures spécifiques pour les éva¬luations de la partie 1 (aspects généraux de l’essai) et 2 (aspects natio¬naux, dont les exigences éthiques) des demandes d’essais cliniques énoncées dans le règlement.
5. La déclaration de tous les événe¬ments indésirables graves, qu’ils soient causés par le médicament ex¬périmental ou par la maladie sous-jacente, doit se faire séparément à toutes les autorités compétentes et aux comités d’éthique. Selon la Réglementation, les promoteurs seront
tenus de soumettre directement à un module étendu du système EudraVigilance8 leurs réactions indési¬rables graves présumées (SUSAR), les rapports de sécurité annuels et d’autres événements indésirables pertinents qui influent sur la balance bénéfice-risque de l’essai.
6. Vu la difficulté d’obtenir un repré¬sentant légal pour donner son consentement éclairé lors d’essais cliniques menés dans des situa¬tions d’urgence, des exigences de consentement simplifiées sont prévues dans la Réglementation, pour mener des essais cliniques sur les populations vulnérables, y compris les personnes en incapacité et en situation d’urgence.
7. La Directive prévoit un seul promoteur en tant que responsable d’un essai multicentrique, ce qui est consi¬déré comme un défi majeur pour les sponsors académiques et qui consti¬tue un frein pour les partenariats de recherche privés-publics. La Réglementation prévoit la possibilité de mener des essais cliniques multicen¬triques avec plus d’un sponsor, défini comme co-sponsor, et permettant de partager les responsabilités.
• Le portail d’inscription unique pour les dossiers de demande de nouveaux es¬sais cliniques, est une solution en ligne gratuite, administrée par l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) et qui permet une meilleure interac¬tion des parties prenantes dans les essais cliniques. Ce portail servira à la fois pour la soumission et le suivi des demandes d’essais cliniques et des autorisations dans l’UE.
• Le concept d’essai clinique à faible niveau d’intervention, permet des procédures plus adéquates pour la recherche universitaire avec moins de bureaucratie. Cela permet, entre autres, une surveillance simplifiée, proportionnelle au risque et avec la possibilité d’économies importantes.
• La Réglementation vise à garantir une plus grande transparence des données, par un système de notification plus systématique des jalons de l’étude via le portail de l’UE et via un récapitulatif des résultats de l’essai dans le délai d’un an suivant sa fin, quel que soit le résultat de l’essai clinique. En outre, la Réglementation exige la mise à disposition d’un récapitulatif simplifié des résultats pour un public plus large, accessible via la base de données de l’UE (à l’exception des données à caractère person¬nel et des informations commerciales confidentielles). Cela permettra à terme aux chercheurs et aux patients d’être mieux informés sur les essais passés et sur leurs résultats.
• Un consentement unique et plus étendu prévu dans la Réglementation permettra aux chercheurs d’accéder aux données et aux tissus des patients au-delà de la fin et au-delà de la portée de l’essai clinique initial. Les patients peuvent dès lors conti¬nuer à contribuer à la recherche en «faisant don» de leurs données à la recherche, même au-delà de la portée et de la fin d’un essai spécifique. L’accès futur aux bases de données des essais constituera une précieuse source d’information pour faire progresser la recherche et offrira la possibilité de fournir finalement de meilleurs traitements sans encou¬rir de risque additionnel pour les patients.
Pour conclure, même si la nouvelle Réglementation simplifie le processus d’enregistrement des essais et qu’elle met plus l’accent sur la sécurité des participants, tout en augmentant la transparence des données, et en suggérant une participation active des patients aux essais cliniques, nous devons rester vigilants face à d’autres réglementations pouvant influencer le futur de la recherche européenne.
En effet, le nouveau règlement européen sur la protection des données (EU GDPR9), dont le texte est actuellement en révision, risquerait d’entraver les progrès tant espérés pour la recherche clinique et la recherche en santé publique. Il est essentiel que l’implémentation de ce nouveau règlement puisse permettre une dérogation au consentement pour les registres épidémiologiques basés sur la population. Il doit également absolument inclure le concept d’un consentement étendu et unique (mais toujours avec la possibilité pour les patients de le retirer à tout moment), permettant l’utilisation des données et des tissus stockés dans les biobanques pour de futures recherches cliniques ou de santé publique.
Références :
1. Présentation complète d’EFGCP dans le numéro de Semper de mai 2012 et via www.efgcp.eu
2. http://www.efgcp.eu/Downloads/confDocuments/EFGCP%20AC%202017%20Final%20Programme.pdf
3. Hartmann M. Impact assessment of the European Clinical Trials Directive: a longitudinal, prospective obser¬vational study analysing patterns and trends in clinical drug trial applications submitted since 2001 to regula¬tory agencies in six EU countries. Trials 2012; 13: 53.
4. Hearn J, Sullivan R. The impact of the “clinical trials” directive on the cost and conduct of non-commercial cancer trials in the UK. Eur J Cancer 2007; 43: 8–13.
5. An ESMO-EORTC position paper on the EU clinical trials regulation and EMA’s transparency policy: making European research more competitive again. Annals of Oncology 26: 829-832, 2015.
6. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32014R0536&from=fr
7. https://eudract.ema.europa.eu/
8. https://eudravigilance.ema.europa.eu/Decommissioned/Decommissioned.html
9. http://ec.europa.eu/justice/data-protection/reform/index_en.htm
for articles/videos/studies
The articles can be sorted by therapeutic area or disease, but may also deal with more general topics not specifically related to a disease. These articles can be sorted as "other".