Article paru dans l’édition Juillet 2019 du magazin Semper – www.dsb.lu
Rubrique « RECHERCHE » sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du Clinical and Epidemiological Investigation Center du LIH
Les technologies informatiques s’intègrent inévitablement dans notre vie quotidienne et le vaste domaine de la santé ne fait pas figure d’exception. L’e-santé est partout ! Aujourd’hui, elle impacte aussi les pratiques de la recherche clinique.
Dr Yanek Saribekyan et Dr Jonathan Cimino, Centre d’Investigation et d’Epidémiologie Clinique, Luxembourg Institute of Health
Dr. Jonathan Cimino, coordinateur de recherche clinique au CIEC
Dr. Yanek Saribekyan, médecin, actuellement stagiaire au CIEC
Beaucoup d’hôpitaux possèdent déjà des dossiers patients électroniques, et dans le cadre des études cliniques, les données d’étude sont collectées via un Case Report Form (CRF) électronique. L’échange d’information entre les équipes de recherche clinique et les autorités compétentes se fait également majoritairement par voie électronique. Enfin, des dispositifs médicaux connectés à distance sont utilisés à ce jour de manière courante dans la pratique clinique. L’augmentation du nombre de publications scientifiques au cours des dernières années dans ce domaine témoigne du développement actuel. La mise en place des technologies informatiques a considérablement augmenté l’efficacité de la gestion des études cliniques.
Qu’en est-il dans ce contexte, de la digitalisation du consentement éclairé (ICF) du patient ? Quels sont les bénéfices et les inconvénients de cette nouvelle approche ? Cet article tente d’y répondre au travers d’un petit tour de table(tte)…
Le consentement éclairé est défini comme étant le processus par lequel un patient donne son accord de participer à un projet de recherche.1 Il s’agit d’une condition préalable (légale et éthique) et une réelle opportunité pour un patient et son médecin de pouvoir discuter des risques et des bénéfices associés à l’étude en question. Après avoir reçu une information complète, le patient est alors libre de donner son accord ou de refuser sa participation. De nos jours, le consentement éclairé
est présenté par de longues pages d’informations qui peuvent parfois nuire à la bonne compréhension du patient. De plus, le temps nécessaire à la lecture de l’ensemble du document lors d’une visite du patient est souvent sous-évalué. Fournir au patient une meilleure compréhension de l’étude à laquelle il s’apprête à participer est devenu un objectif primordial au cours des dernières années et la mise en place du consentement électronique pourrait apporter des solutions. Alors qu’est-ce qu’on entend par un e-consentement ?
D’après la Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis, le consentement
électronique désigne «l’utilisation de systèmes et de processus électroniques qui pourraient être sous forme de supports multiples: texte, graphiques, audio, vidéo, podcasts, sites internet interactifs et des dispositifs de reconnaissance biologiques afin de transmettre des informations relatives à l’étude afin d’obtenir et de documenter le consentement éclairé. Les avantages de l’utilisation de ce type d’ICF s’appliquent aux participants, à l’investigateur et au personnel médical».2
Plus concrètement, le consentement électronique donne au patient la possibilité d’être informé par différents moyens, tels que des films, des clips, des graphiques, des exemples pratiques et une interaction multimédia qui peut être présentée directement sur le propre appareil du sujet (téléphone mobile, tablette, ordinateur). Une méta-analyse de ces interactions «multimédia» intégré dans le processus de l’e-consentement en pratique clinique a été réalisée par Farrell et son équipe de l’Université de Cardiff.3 Au total pas moins de 29 articles ont été inclus dans cette méta-analyse. Les consentements électroniques à distance ont été utilisés dans des études de recherche clinique variées (des interventions chirurgicales, médicales et dentaires). Les patients consentaient pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. Dans la majorité de ces études, une augmentation du taux de mémorisation et une amélioration de la qualité d’information assimilée par le patient a été démontrée. La satisfaction des patients était supérieure par rapport à la version papier classique du consentement. L’utilisation d’e-consentement, enrichi avec un support multimédia, dans la pratique clinique est une des recommandations
de cette méta-analyse.
Le patient a donc la possibilité d’avoir accès à l’e-consentement à la maison et de pouvoir discuter de l’étude avec sa famille, d’effectuer des recherches supplémentaires et d’attribuer suffisamment de temps pour une meilleure compréhension des détails de l’étude qui rendra le processus du consentement non seulement plus accessible mais aussi plus complet. De plus, le consentement électronique permet de développer des outils pour répondre aux besoins des patients avec des caractéristiques spécifiques (par exemple le langage des signes pour des patients présentant une surdité) tout en jouissant d’une mobilité intéressante.
En 2011, REMOTE (Research on Electronic Monitoring of OverActive Bladder Treatment Experience), une première étude clinique randomisée «virtuelle» a été entièrement gérée à distance, à l’aide d’outils électroniques dont le consentement.4 Après l’évaluation de l’éligibilité du participant à l’étude et la confirmation de son identité (par un numéro d’identification et
un mot de passe), celui-ci recevait le consentement électronique sous forme de diaporama multimédia. Cette présentation
de l’étude était suivie par des questionnaires afin d’évaluer la bonne compréhension de l’étude. Une fois ce consentement signé électroniquement, le patient était alors contacté par téléphone pour une discussion avec le médecin investigateur. L’efficacité du processus de consentement électronique a ici été prouvée.
Mais cette étude est allée encore plus loin dans la virtualisation de l’essai clinique. Elle a démontré qu’il est possible de réaliser une étude clinique «à distance» tout en respectant les bases éthiques et réglementaires. En effet, les prélèvements biologiques ont été réalisés dans des laboratoires d’analyses au plus proche du domicile du patient et les examens médicaux ont été réalisés par le médecin traitant du patient. Le patient recevait le traitement de l’étude par voie postale. Un téléphone portable spécifiquement dédié à l’étude a été fourni au patient avec une application pour la collecte des données.
Les avantages sont nombreux, même si les conclusions de cette étude démontrent que s’appuyer uniquement sur la technologie sans interaction humaine peut impacter négativement le taux de participation des patients à l’essai. Par ailleurs, afin de remédier à cela, une visite à domicile ou une rencontre avec le médecin investigateur au moment de l’inclusion pourrait être proposée.
Du côté du médecin investigateur de l’étude et de son équipe, avec une compréhension adéquate du projet de recherche, le patient est plus susceptible de rester engagé dans l’étude ou, inversement, de refuser sa participation, ce qui entraine une amélioration de la qualité des données collectées et une conformité accrue de l’étude. Bien entendu, la mise en place du consentement électronique présente de nombreux défis. Premièrement, le délai de la conception est plus long car des mesures spécifiques doivent être développées pour assurer la confidentialité et la sécurité des données. En effet, dans ces directives, la FDA aux Etats-Unis propose des recommanda tions concernant l’encadrement du consentement électronique alors qu’en Europe, à l’heure actuelle il n’existe aucune délimitation de ce processus.
En second lieu, l’investissement financier notamment au cours de la mise en place de ce système est supérieur à celui du consentement classique. Dans le développement d’un projet de recherche clinique, ce rapport coût-efficacité doit donc être pris en compte très tôt.
Le secteur de la santé est en pleine mutation technologique et la recherche clinique est l’élément dans le domaine de la santé susceptible de changer le plus rapidement dans les 10 années à venir. Il va y avoir des transformations majeures dictées par des innovations technologiques et qui seront bénéfiques pour l’ensemble des professionnels de la santé mais qui permettront avant tout de repositionner le patient au centre des préoccupations afin qu’il devienne un acteur clé dans la gestion de sa propre maladie.
Le Centre d’Investigation et d’Epidémiologie Clinique (CIEC) du Luxembourg Institute of Health (LIH) qui agit en tant que centre national de coordination des activités de recherche clinique au Luxembourg est bien conscient de cette transition imminente vers l’e-santé et s’y prépare activement. Afin de connaitre l’opinion générale des résidents du Luxembourg sur la recherche clinique et son ressenti concernant les applications et objets connectés en lien avec la santé, un questionnaire anonyme est actuellement développé par l’équipe du CIEC. En acceptant de répondre à ces questions, les résidents du Luxembourg permettront à la recherche clinique de progresser.
Bref, les essais cliniques de demain,c’est … maintenant !
Les objets connectés: des outils de prévention santéLe monde de la recherche médicale évolue sans cesse et de nouvelles technologies connectés apparaissent au profit des patients. Mais pas seulement. La santé connectée permet aussi aux professionnels de la santé de ne plus travailler seuls et d’échanger ainsi avec leurs patients. A côté du consentement électronique et du monitoring à distance, la e-santé recouvre d’autres domaines de la santé qui font intervenir les technologies de la communication et de l’information : les objets santé connectés. Ceux-ci sont aujourd’hui bien ancrés dans notre quotidien, au point de révolutionner notre façon d’aborder notre propre santé. Dans la plupart des cas, ces outils connectés relatifs à la santé sont équipés d’un ou de plusieurs capteurs qui vont mesurer des paramètres (par exemple la fréquence cardiaque, la glycémie, la température corporelle, l’activité physique etc.) et les enregistrer sur un serveur informatique à distance. Ces données vont ensuite être analysées et les résultats transmis à l’utilisateur, un proche ou même le médecin référent.Il existe aujourd’hui environ 170 000 applications mobiles téléchargeables sur les plateformes d’achat (Google Play et Apple Store) qui visent à transformer les smartphones et les tablettes en outils de prévention santé. Les bénéfices pour les patients et les professionnels de la santé qui les suivent s’articulent principalement autour de quatre grandes thématiques : 1. Mieux se connaître et améliorer sa santéLe «Quantified self» s’inscrit dans une prise en charge globale du patient (mesurer sa glycémie, évaluer sa condition physique, progresser dans un sport, maigrir, bien prendre son traitement, etc.)
2. Dépister et alerter Associés à des applications de coaching, les objets connectés permettent de responsabiliser les adeptes qui se focalisent sur des objectifs réalistes et mesurables.
4. Des bénéfices collectifs |
1. Parvizi, J., Chakravarty, R., Og, B., & Rodriguez-Paez, A. (2008). Informed consent: Is it always necessary? Injury, 39(6), 651-655.
2. Guidance, D. (2015). Use of Electronic Informed Consent in Clinical Investigations Questions and Answers. Center for Devices and Radiological Health (CDRH).
3. Farrell, E. H., Whistance, R. N., Phillips, K., Morgan, B., Savage, et al. (2014). Systematic review and meta-analysis of audio-visual information aids for informed consent for invasive healthcare procedures in clinical practice. Patient Education and Counseling, 94(1), 20-32.
4. Orri, M., Lipset, C. H., Jacobs, B. P., Costello, A. J., & Cummings, S. R. (2014). Web-based trial to evaluate the efficacy and safety of tolterodine ER 4 mg in participants with overactive bladder: REMOTE trial. Contemporary clinical trials, 38(2), 190-197.
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