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Institute of Immunology, CRP-Santé / LNS

12/11/14
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Category: Neurology / Stroke
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Le Fonds National de Recherche finance les recherches de l’Institute of Immunology.

Il est bien connu que notre code génétique détermine nos habitudes, notre apparence, notre risque de développer certaines maladies, etc. Cependant la réalité est beaucoup plus complexe. Notre manière d’être et notre apparence est le résultat de l’interaction de nombreux facteurs et de processus dynamiques. Notre ADN est le même dans toutes nos cellules et le restera même pour le reste de nos vies. A côté de cela, la variation du code génétique entre individus ne représente pas plus de 0.1 pourcent. Donc comment peut-on expliquer les différences de comportement ou de susceptibilités aux maladies observées entre individus ? Et comment expliquer le fait que nos cellules contiennent à la fois le même ADN mais possèdent des fonctions et apparences bien distinctes ? C’est ici qu’entre en jeu l’épigénétique.

Martha Elwenspoek et Jonathan D. Turner

Notre programme

L’ADN code pour de nombreux gènes, qui sont transcrits en ARN messagers et par la suite traduits en protéines de différentes fonctions. Ces protéines expriment ce qui est «écrit» dans l’ADN. L’épigénétique peut cependant intervenir à chaque étape de cette cascade, ainsi contrôlant quels gènes seront transcrits et quand. Donc si vous imaginez que notre génome est notre ordinateur, délimitant le cadre de nos possibilités, alors l’épigénétique est notre logiciel. L’épigénétique, signifiant littéralement «sur le génome», détermine quelles parties de ce génome seront utilisées et lesquelles seront ignorées. Par exemple, durant le développement embryonnaire, l’épigénétique définit quelle cellule va se développer pour devenir une cellule du doigt, et laquelle deviendra une cellule du cerveau.

Différents niveaux de contrôle épigénétique

Méthylation de l’ADN.

Un des mécanismes épigénétiques le mieux compris aujourd’hui est la méthylation de l’ADN. C’est une modification très stable au-dessus de l’ADN qui typiquement inhibe la transcription d’un gène. L’ensemble des méthylations de l’ADN forme un motif spécifique dans le génome en fonction du tissu considéré. En d’autres termes, il est possible de distinguer une cellule du foie d’une cellule de peau en regardant l’ensemble des méthylations de l’ADN. Quand les cellules se divisent, ces motifs se maintiennent et une partie semble même se transmettre à la prochaine génération. Bien que ces marqueurs soient les plus stables des modifications épigénétiques, ils peuvent être altérés par des facteurs environnementaux tels que le tabagisme, la maladie, ou la grossesse.

Par conséquent, la méthylation de l’ADN pourrait expliquer en partie comment le style de vie augmente le risque de développer certaines maladies. Ceci est aussi conforté par le fait qu’un lien a été établi entre la diminution globale des niveaux de méthylation de l’ADN et l’incidence de maladies cardiovasculaires.

Modifications d’histones.

Une autre modification épigénétique, plus indirecte, altère l’accessibilité du génome. L’ADN est enroulé autour de grosses protéines appelées histones. Si l’ADN est enroulé de manière étroite autour de ces histones, il n’est alors plus accessible aux «facteurs de transcriptions » et est ainsi dit «silencieux». Par contre, un enroulement plus relâché de l’ADN autour des histones permet son accessibilité et donc son utilisation, soit la «transcription» des gènes. L’étroitesse de l’enroulement de l’ADN est contrôlée par des modifications chimiques sur les histones et peut être influencée par des facteurs externes.

miARNs.

Même si un gène ne contient pas de méthylation et que l’enroulement de l’ADN est suffisamment relâché pour permettre sa transcription, un troisième mécanisme épigénétique peut intervenir. Ce mécanisme opère via de petites molécules d’ARN appelées microARNs (miARNs) qui peuvent se lier à l’ARN messager formant ainsi un ARN double brin, immédiatement dégradé au sein de la cellule. Il a été prouvé que le stress ou l’anxiété peuvent changer les niveaux de miARNs dans le cerveau ainsi que dans la glande surrénale, ces organes jouant un rôle central dans la réponse au stress. En bref, les mécanismes épigénétiques contrôlent «l’interprétation» de notre ADN à au moins trois niveaux: directement sur l’ADN, la structure de l’ADN et après la transcription.

Nous sommes ce que nous mangeons

L’épigénétique est un domaine de recherche scientifique assez récent qui démarra réellement dans les années 1990 mais qui offre déjà de nombreuses promesses. Depuis les dix dernières années, ce domaine s’est développé de manière explosive et nous a permis d’en apprendre plus sur l’influence de l’environnement sur la santé. En contraste avec le génome, l’épigénome est très dynamique et peut se modifier en réponse à notre environnement. Notre style de vie, la quantité de stress au travail, le climat dans lequel nous vivons, vont tous influencer notre épigénome. Des recherches ont clairement démontré que notre régime alimentaire pouvait influencer la méthylation de l’ADN, modifiant ainsi la transcription de nos gènes. Cela signifie que certains régimes alimentaires pourraient augmenter ou diminuer le risque de développer certaines maladies, comme le développement d’un cancer. Un célèbre exemple illustrant comment l’environnement peut modifier la susceptibilité à certaines maladies est la famine aux Pays-Bas durant la deuxième guerre mondiale. Les enfants nés pendant cette famine en 1944, connus sous le nom de «l’hiver de la faim», ont soufferts de conséquences à long terme sur leur santé, étant plus susceptibles aux problèmes médicaux à l’âge adulte.

Nous sommes ce que nos grands-parents mangèrent

Il est maintenant connu que les modifications épigénétiques peuvent être, du moins en partie, transmises à la génération suivante. La plupart des indices viennent d’études sur les animaux. Par exemple, de jeunes rats maltraités par leur mère deviennent plus anxieux et montrent des différences de méthylation de l’ADN au niveau de leur cerveau. Quand ces rats maltraités deviennent parents, ils présentent à leur tour le même comportement abusif que leur mère. Des études chez l’humain mettent en évidence en plus l’impact des facteurs environnementaux sur les générations suivantes. Revenant sur la famine aux Pays-Bas: les enfants des personnes nées pendant cette famine, qui ont été bien nourris, étaient significativement en sous poids. Un autre exemple est l’étude d’anciennes archives médicales des habitants d’une petite ville isolée du nord de la Suède. Il y a 150 ans, plusieurs périodes de famine ont eu lieu. Quelques habitants sur-mangèrent pendant les périodes où la nourriture était en quantité suffisante. Leurs petits-enfants, cependant, vécurent significativement moins longtemps, avec une différence de 32 ans par rapport à la moyenne. En bref, nous ne sommes pas uniquement ce que nous mangeons, nous sommes aussi ce que nos parents mangèrent et même ce que nos grands-parents mangèrent.

Périodes de vulnérabilité

L’enfance semble être une période vulnérable pour le changement de marques épigénétiques par les facteurs environnementaux. Etre capable de répondre à des stimulations extérieures est très important, cela permet de s’adapter à un environnement sans cesse changeant. Seulement lorsque l’environnement est anormal durant l’enfance, les changements épigénétiques peuvent devenir mal adaptés quand ils ne correspondent plus aux conditions réelles de la vie adulte. Des évènements ou circonstances stressantes pendant l’enfance amènent à une augmentation des risques de développer des problèmes de santé d’ordre psychologique dans la vie adulte, comme une dépression ou des troubles de stress post-traumatique. Récemment, il a aussi été démontré que les adultes ayant vécu une enfance difficile avaient une augmentation des risques de développer d’autres problèmes de santé comme le diabète, l’obésité, un accident vasculaire cérébral (AVC), ou des maladies cardiovasculaires. Des recherches suggèrent que des phénomènes épigénétiques pourraient former un lien entre ces susceptibilités et les évènements durant l’enfance. Les gènes jouant un rôle important en réponse au stress sont susceptibles aux modifications épigénétiques. Des études à la fois chez l’humain et l’animal ont montré une altération de la méthylation de l’ADN du récepteur aux glucocorticoïdes (GR), essentiel à la régulation de la réponse au stress, après une exposition à un stress lors des premières années de vie.

Nouvelle étude clinique

L’Institut d’Immunologie va investiguer en profondeur ces sujets au sein d’une étude clinique à grande échelle appelée EpiPath. EpiPath se concentrera sur les marques de méthylations causées par des évènements difficiles de la petite enfance. Les chercheurs supposent que ces évènements entraînent des changements généraux au niveau de la méthylation, et que ces changements épigénétiques seraient largement responsables de l’augmentation de l’incidence de problèmes physiques et psychologiques chez ses individus. EpiPath se concentrera donc sur les effets à long terme du stress vécu lors de l’enfance sur la santé physique et psychologique des individus. Ces découvertes seront ensuite corrélées aux modifications épigénétiques de certains «gènes de maladie».


 

 

 

 

 

L’équipe de recherche après la soutenance de thèse de Sara Vernocchi (Centre), de gauche à droite: Dr JD Turner (Institute of Immunology), Prof. Dr CP Muller (Institute of Immunology), Prof Dr J Meyer et Prof. Dr H Schächinger (Uni Trier)

EpiPath

Le mot EpiPath fait référence aux effets Epigénétiques et Pathologiques du stress lors de la petite enfance. Pour étudier cela, nous recrutons de jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans. Un premier groupe de personnes sera formé de personnes adoptées à Luxembourg et provenant d’un orphelinat étranger. Le fait de perdre ses parents et d’être en plus de cela placé en orphelinat est clairement identifié comme un événement stressant ayant des conséquences considérables sur l’enfant. Un second groupe sera composé de participants contrôles n’ayant subi aucun événement douloureux durant leur enfance, ayant grandi à Luxembourg ou dans un pays voisin. Ces individus contrôles seront issus du même milieu social que ceux du premier groupe, c’est-à-dire que ce seront de jeunes adultes ayant grandi dans des conditions sociales similaires, idéalement des amis des personnes adoptées ou les frères et soeurs nonadoptés.

Collaborations internationales

A l’heure actuelle, deux autres groupes de recherche sont impliqués dans Epi-Path avec différents niveaux de compétence. Le premier partenaire est le Département de Psychophysiologie de l’Université de Trier, dirigé par le Prof. Dr Hartmut Schächinger. Ce groupe de recherche a plusieurs années d’expérience dans la biologie du stress et plus spécifiquement dans le rôle du stress dans les maladies cardiovasculaires. Ils vont alors étudier la fonction cardiovasculaire chez les participants pendant le repos et pendant un stress aigu. Le Département de Psychologie Clinique et de la Santé Psychologique de l’Université de Luxembourg, le second partenaire, participe aux connaissances par les problèmes psychiatriques reliés au stress. Le Prof. Dr Claus Vögele dirige ce département et sera responsable de la détermination de la santé psychologique des participants. La totalité de l’étude clinique se réalise à Luxembourg. Une première partie a lieu au Centre d’Investigation et d’Épidémiologie Clinique (CIEC) du CRP-Santé, où les mesures des paramètres cardiovasculaires et immuns sont réalisés. La seconde partie a lieu à l’Université de Luxembourg et consiste en un entretien psychologique. Le principal langage utilisé lors de l’étude est l’allemand, donc une bonne connaissance de l’allemand est essentielle pour participer à l’étude. EpiPath est soutenu par le Fonds National de la Recherche, Luxembourg.

Participez à l’étude !

L’influence des événements douloureux de l’enfance sur la santé physique et mentale est d’une importance sociale. Le nombre d’enfants adoptés augmente, même provenant des pays développés. EpiPath contribuera à mieux comprendre les possibles répercussions d’une adoption sur ces enfants et adultes. A long terme, les études comme celle-ci nous permettront d’aider ces individus et d’améliorer leur santé à venir. Si vous êtes intéressé à participer à notre étude ou si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse EpiPath@CRP-sante.lu

 

 

La recherche au Luxembourg

L’Institut d’Immunologie, dirigé par le Prof. Dr Claude P. Muller, est l’un des plus grands instituts de recherche biomédicale de Luxembourg. Il est composé de plusieurs unités de recherche, dont celle du Dr Jonathan Turner qui dirige l’équipe Psychoimmunologie à l’origine de l’étude EpiPath depuis un peu plus d’un an. Le groupe Psychoimmunologie se penche depuis dix ans sur la manière dont l’environnement contrôle la réponse physiologique et hormonale au stress. Le récepteur du glucocorticoïde joue un rôle clé dans le lien entre la psychologie du stress et les changements du système immunitaire. Les variations de taux du récepteur au glucocorticoïde affectent le comportement social, l’humeur, l’apprentissage et la mémoire. Ils ont aussi été associés aux troubles liés au stress tels que la dépression. Le groupe de recherche se concentre sur la régulation du complexe de transcription de ce récepteur et le rôle de l’épigénétique dans cette régulation. Ces dernières années, le travail et les découvertes de sept doctorants ont conduit à plus de vingt publications dans des journaux scientifiques internationaux. Ce travail précédent et les hypothèses en ayant abouti ont ainsi conduit à EpiPath.Concernant EpiPath, l’équipe Psychoimmunologie est tout d’abord responsable du recrutement des participants adoptés et contrôles. Grace aux nombreuses années d’expérience dans la mesure de l’épigénétique, le groupe va pouvoir aussi chercher à déterminer les niveaux globaux de méthylation, ainsi que la méthylation de gênes spécifiques de l’ADN chez ces individus. Enfin, l’unité se penchera sur la fonction immune et les susceptibilités aux infections.

Tags: epipath; épigénétique; enfance; LNS; Fonds National de Recherche ; FNR; immunology; génétique; Jonathan Turner; ADN

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