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Point sur la maladie coeliaque encore trop méconnue

12/11/19
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Category: Other
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Cet article est paru dans le magasine Semper www.dsb.lu
Edition Octobre 2019

Rubrique « Recherche » sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du Clinical and Epidemiological Investigation Center du LIH

 

Point sur la maladie coeliaque encore trop méconnue


La maladie coeliaque est de nos jours une des maladies diges¬tives les plus fréquentes. Pour autant elle reste relativement mal connue du grand public et peut être confondue avec d’autres maladies intestinales. Cet article donne une vue d’ensemble les connaissances actuelles.

Par Aurélie Fischer, coordinatrice de recherche clinique au Centre d’Investigation et d’Epidémiologie Clinique, Luxembourg Institute of Health

 

 

 

 

 

 

 

 

La maladie coeliaque (MC) est une affection gastro-intestinale auto-immune qui affecte des individus génétiquement prédisposés et provoque des dommages à la muqueuse intestinale après l’absorption de gluten. Cette maladie affecte considérablement la qualité de vie des personnes atteintes et est associée à de nombreuses autres maladies de gravité variable, comme des affections de la peau ou des sensations de brûlure dans les articulations, l’ostéoporose, mais aussi à d’autres maladies auto-immunes et des cancers, en particulier des lymphomes (1).

La prévalence de la maladie coeliaque est estimée à environ 1% en Europe et Amérique du Nord mais il existe des variations géographiques importantes. Il faut noter que cette estimation n’est que la partie apparente de l’«iceberg» coeliaque. En effet, les experts estiment le rapport du nombre de cas diagnostiqués sur celui de cas non-diagnostiqués entre 1:2 et 1:20 en fonction des pays, ce qui souligne
l’importance du dépistage pour tous ces malades non diagnostiqués.

La maladie touche à la fois les adultes et les enfants et elle est généralement découverte soit dans la petite enfance, entre 6 mois et 2 ans, c’est-à-dire au moment de l’introduction du gluten dans l’alimentation, soit à l’âge adulte entre 20 et 40 ans le plus souvent.

Personnes à risque

Il existe des groupes de personnes plus à risque de développer la maladie. Il s’agit en particulier des parents au premier degré et dans une moindre mesure les parents du second degré des personnes atteintes, pour qui le risque est de 10% et de 2,5%, respectivement.

Au niveau génétique, plus de 95% des personnes atteintes par la MC sont porteuses du HLA (Human Leucocyte Antigen) DQ2 et dans une moindre mesure du HLA DQ8, cependant ces haplotypes sont présents chez 30 à 40% de la population et n’expliquent donc pas à eux seuls le développement de la maladie. A contrario, l’absence de ces deux déterminants est hautement prédictive et approche les 100%. De nombreux autres déterminants génétiques ont été décrits, notamment une soixantaine de gènes non-HLA(4).

Les personnes touchées par d’autres maladies auto-immunes comme un diabète de type 1, une thyroïdite, une maladie du foie auto-immune, ou des maladies comme le syndrome de Down ou de Turner et Williams, le vitiligo etc., sont également à plus haut risque de développer la MC.

D’origine auto-immune

Le gluten est une substance protéique visqueuse, présente entre autres dans le blé, l’orge, l’épeautre et le seigle. Certaines protéines constituant le gluten induisent une réaction immunitaire chez les personnes atteintes de la MC, c’est le cas de l’α-gliadine pour le blé et l’épeautre, de la sécaline pour le seigle et de l’hordénine pour l’orge. Sans entrer dans les détails du mécanisme, les peptides de gliadine, sécaline ou hordénine sont absorbés sous forme non dégradée par les entérocytes de la muqueuse intestinale puis modifiés par la transglutaminase tissulaire. Les peptides ainsi transformés sont alors présentés par les cellules dendritiques aux lymphocytes T de la muqueuse intestinale.

Il en résulte une réaction inflammatoire avec production d’anticorps anti-gliadine, anti-transglutaminase et anti-endomysium qui agissent comme des auto-anticorps, détruisent les cellules constituant les villosités intestinales et provoquent une inflammation chronique. La MC est donc d’origine auto-immune et doit être différenciée de l’allergie au blé avec laquelle elle pourrait être confondue.

Chez beaucoup de personnes atteintes de MC on observe une atrophie villositaire qui induit une malabsorption des nutriments et donc des carences et des troubles de la croissance chez les enfants.

Symptômes et formes cliniques

L’apparition parfois tardive de symptômes ainsi que leur hétérogénéité rend le diagnostic difficile, ce qui explique le nombre important de cas non-diagnostiqués. Les symptômes peuvent être gastro-intestinaux ou non gastro-intestinaux et différentes formes cliniques de la maladie ont été définies en fonction des manifestations induites (voir tableau 1).

La variété et l’intensité des symptômes impactent considérablement la qualité de vie des personnes touchées.

La variété et l’intensité des symptômes impactent considérablement la qualité de vie des personnes touchées.

Diagnostic et traitement

La diversité des symptômes ainsi que les nombreux diagnostics différentiels sont un frein pour le diagnostic précoce de la MC.

En cas de suspicion de MC le diagnostic repose sur une recherche sérologique des anticorps suivants : anticorps IgA anti-transglutaminase (anti-tTG; sensibilité 95% et spécificité 95%), anti-endomysium (EMA; sensibilité 78-100% et spécificité 98-100%) ou IgA anti-peptides déamidés de la gliadine (anti-DGP; sensibilité 82%–84% et spécificité 80%–99%).

En cas de screening dans la population générale, il peut être intéressant de combiner les différents dosages pour augmenter le dépistage, ce qui n’est pas le cas chez les personnes à risque de développer la MC chez qui un seul test est suffisant. Les études récentes montrent néanmoins que le dosage des IgA anti-tTG reste le test de choix pour le diagnostic(5,6).

En particulier chez les enfants de moins de 2 ans la présence d’IgG et d’IgA anti-peptides déamidés de la gliadine est également recherchée en complément des anticorps anti-tTG. Les tests sérologiques connaissent quelques limitations, en effet ils doivent être conduits chez les personnes n’étant pas sous régime sans gluten car des faux négatifs ont pu être observés. Chez les personnes ayant une déficience en IgA (2 à 3% de la population), des faux négatifs sont également possible et il est recommandé alors d’effectuer un dosage des IgG anti-tTG ou anti-DGP. En cas de résultat positif pour l’un ou plusieurs des anticorps, une biopsie de l’intestin grêle est effectuée pour confirmer le diagnostic selon la classification de Marsh. En cas d’histologie positive le diagnostic de MC est alors posé. En cas de biopsie négative il est recommandé d’effectuer un nouveau contrôle biopsique 1 ou 2 ans plus tard.

L’adoption d’un régime sans gluten avant le diagnostic de la MC peut retarder, voire empêcher ce dernier.

Le seul traitement actuel de la MC est l’éviction complète et à vie du gluten de l’alimentation (Gluten-Free Diet, GFD). La mise en place de ce régime ne doit être faite qu’une fois le diagnostic de MC confirmé et doit se faire avec l’aide d’un(e) diététicien(ne) spécialisé(e). Depuis janvier 2019 la consultation diététique est intégralement prise en charge par la Caisse Nationale de Santé avec pour objectif de diminuer l’impact de cette maladie. En effet l’adhérence au GFD est cruciale pour le résultat du traitement, car même de très petites quantités de protéines de gluten peuvent induire une réaction forte. Généralement une amélioration des symptômes est observée entre 3 et 6 mois après l’introduction du régime sans gluten.

De nombreux autres traitements sont actuellement à l’étude:

• le larazotide, molécule la plus prometteuse, qui bloque le passage des peptides de gliadine à travers la muqueuse intestinale, en cours d’essais cliniques,
• des inhibiteurs de la transglutaminase,
• des bloqueurs de cytokines, en particulier pour les formes réfractaires de la MC,
• un prototype de vaccin combinant un set de peptides de gluten reconnus par le HLA-DQ2 visant à désensibiliser ou augmenter la tolérance au gluten est en cours d’essais cliniques,
• une autre piste est de «détoxifier» le gluten en utilisant des protéases orales, comme la latiglutenase qui est également en cours d’essais cliniques. De nombreuses idées reçues circulent autour du gluten et de ses effets soidisant nocifs sur la santé, ce qui a conduit à un effet de mode du régime sans gluten. L’effet bénéfique de cette mode est qu’elle a permis le développement de nombreux produits sans gluten qui peuvent faciliter la vie des personnes atteintes de la MC. L’effet pervers en est que l’adoption d’un régime sans gluten avant le diagnostic de la MC peut retarder, voire empêcher ce dernier.

Au vu de tous ces éléments et en particulier l’impact sur la qualité de vie, les risques à long terme ainsi que les difficultés de diagnostic, il apparaît crucial d’augmenter le dépistage de la MC, en particulier chez les enfants, symptomatiques ou non mais ayant un risque accru de développer la maladie.

Un dépistage précoce pour une prise en charge précoce, ceci permettrait de limiter l‘impact de la MC sur les malades, leur entourage mais aussi sur le système de santé.

Références :

1. Coeliac disease. Green PH, Jabri B. Lancet. 2003 Aug 2;362(9381):383-91
2. Celiac Disease. Taylor AK, Lebwohl B, Snyder CL, et al. GeneReviews. 2008 Jul 3 [Updated 2019 Jan 31]
3. Global guidelines. Maladie coeliaque. World Gastroenterolgy Organization. Avril 2012
4. Integration of genetic and immunological insights into a model of celiac disease pathogenesis. Abadie V, Sollid L, Barreiro LB, et al. Annu Rev Immunol 2011; 29: 493–525
5. Non-Invasive Biomarkers for Celiac Disease. Singh A, Pramanik A, Acharya P, Makharia GK. J. Clinical Medicine. 2019 Jun 21;8(6)
6. Meta-analysis: Deamidated gliadin peptide antibody and tissue transglutaminase antibody compared as screening tests for coeliac disease. Lewis, N.R.; Scott, B.B. Aliment. Pharmacol. Ther. 2010, 31, 73–81.

 

 


 

Association Luxembourgeoise des Intolérants au Gluten (ALIG)

L’ALIG a été fondée en octobre 1997. En 2018 elle comptait environ 400 membres. Constituée sous forme d’une association sans but lucratif, elle réunit des personnes atteintes de maladie coeliaque ou de dermatite herpétiforme ainsi que toute personne démontrant un engagement régulier dans la lutte contre ces maladies. L’association poursuit plusieurs buts dont la diffusion d’informations et d’expériences personnelles relatives à la maladie coeliaque, particulièrement celles facilitant la mise en oeuvre d’un régime sans gluten. Elle informe sur les méthodes modernes de dépistage et de traitement et favorise l’organisation de leur application et les recherches scientifiques. Les contacts entre les malades coeliaques, au niveau national ou international, sont favorisés. L’ALIG organise les relations officielles avec les autorités luxembourgeoises, afin de défendre et d’améliorer le statut des personnes atteintes de la maladie coeliaque. L’association a été reconnue d’utilité publique par arrêté grand-ducal du 6/06/2003.

L’ALIG propose à ses membres:

• des listes de supermarchés, magasins diététiques, boulangers, restaurants à Luxembourg proposant des produits sans gluten

• des informations sur le remboursement des coûts liés à la maladie coeliaque

• des contacts entre patients souffrant de la même affection et avec les associations étrangères

• des cours de cuisine

• l’accès à de nombreuses informations via www.alig.lu, une newsletter et le magazine ALIG-Info

L’ALIG a.s.b.l. est membre de l’AOECS (Association Of European Coeliac Societies) depuis septembre 2001.
 

 

 

 


 

Projet de recherche au Luxembourg:

L’ALIG, le Department of Population Health du Luxembourg Institute of Health (LIH) et la division de la médecine préventive du Ministère de la santé se sont associés pour entreprendre un projet de grande envergure visant à augmenter le diagnostic de la maladie coeliaque chez les enfants présentant des symptômes et ceux appartenant à des groupes à risque de développer la maladie.

Le dépistage sera effectué par un test sérologique classique, chez les pédiatres, les médecins généralistes et
les autres spécialistes impliqués dans le suivi de cette maladie au Luxembourg. Cette étude permettra également d’effectuer un état des lieux de la prise en charge des enfants présentant cette maladie et de sensibiliser la population et les médecins.

L’objectif est de recruter environ 2 000 enfants afin:

• de mieux identifier les enfants qui bénéficieront d’une prise en charge dès les premiers stades de la maladie

• de prévenir les complications associées à la maladie coeliaque

• d’évaluer le taux de suivi de la consultation diététique recommandée et remboursée par la Caisse Nationale de Santé depuis janvier 2019

• de mesurer le délai entre le diagnostic et la consultation de diététique mais aussi celui entre la sérologie
et la biopsie de confirmation en cas de résultat positif

• d’évaluer le taux de rémission et l’adhérence au régime sans gluten Afin de maximiser le potentiel de recrutement, des circulaires informant les parents sur cette étude seront distribués dans les écoles et les salles d’attente des médecins généralistes, des pédiatres et des gastroentérologues.


 

 

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