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Le rôle du patient en recherche

16/12/16
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Category: Other
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Article paru dans le magazine SEMPER oct 2016 – www.dsb.lu

Le rôle du patient en recherche

Traditionnellement, la recherche médicale est initiée et pilotée par les médecins, les chercheurs, les  entreprises pharmaceutiques ou les autorités qui régulent le développement de nouveaux médicaments, sans vraiment impliquer activement le patient. Le rôle du patient se limitant à accepter de partager ses données médicales en lien avec un protocole de recherche sur lequel ce dernier n’avait aucune influence.

Rubrique sous la direction du Dr Chioti, responsable du Centre d’Investigation et d’Epidémiologie Clinique au LIH

Bien qu’il soit difficile de tracer un historique adéquat de la relation médecin-patient, il est largement reconnu que les changements culturels fondamentaux dans la nature de cette relation se sont produits depuis le milieu des années 1960.

Depuis ce temps, il y a eu plusieurs changements qui reflètent un abandon du «paternalisme médical»: un scepticisme croissant des patients vis-à-vis de l’autorité médicale et scientifique; un engagement plus important des médecins pour informer et obtenir le consentement des patients; la codification juridique du consentement éclairé, avec une application plus claire des «droits» des patients; et enfin, la mise en place de mécanismes institutionnels, tels que les comités d’éthique pour protéger les sujets humains.

Tous ces développements ont eu un impact significatif sur la pratique médicale en général ainsi que sur les investigations cliniques.

L’épidemie de SIDA

En outre, dans les années 1980 aux Etats-Unis, des malades du SIDA ont commencé à s’impliquer dans le développement de médicaments et à réclamer l’accélération de leur mise sur le marché. La mobilisation de la communauté homosexuelle, frappée par l’épidémie de SIDA, a eu un impact sans précédent sur le développement de médicaments avec une augmentation spectaculaire de la sensibilisation du public à la nature, à la structure, et au but des essais cliniques. Le débat
sur l’éthique et la validité scientifique des essais cliniques s’est produit non seulement chez les médecins, les statisticiens et les éthiciens, mais aussi chez les patients, les militants et les politiciens. La crise engendrée par le SIDA a dans une large mesure médiatisé et politisé les aspects de la recherche clinique qui ont été jusqu’ici en grande partie du ressort privé de la
communauté scientifique.

Malgré le rôle important des groupes revendiquant les droits des patients atteints de SIDA ou des patientes atteintes de cancer du sein, c’est seulement depuis les années 1990 que la vraie valeur du partenariat patient chercheur a été reconnue.

La première initiative majeure soutenue par un gouvernement visant à faire participer les patients et le public à la recherche biomédicale fût le programme INVOLVE, lancé en 1996 par le National Health Service au Royaume-Uni. Aujourd’hui, INVOLVE continue à former et à encourager les patients et le public à participer à tous les niveaux de la recherche, depuis la conception jusqu’à la diffusion des résultats.
 

Dans bien des cas, la participation à la recherche clinique est la seule alternative porteuse d’espoir pour les malades ayant épuisé les traitements disponibles.

Croissance exponentielle

Plus récemment encore, dans les années 2000, et depuis l’émergence d’Internet, le nombre de patients informés a véritablement connu une croissance exponentielle. Ils sont de plus en plus nombreux à se renseigner sur leur pathologie et sur les traitements existants ou en développement, par le biais d’associations de patients ou de sites Internet spécialisés comme «PatientsLikeMe» (en français: des patients comme moi), qui compare les expériences de personnes souffrant d’une même pathologie.

De plus en plus de patients arrivent donc à la consultation en ayant effectué une recherche préalable sur Internet et veulent désormais comprendre les choix thérapeutiques de leur médecin. Ils sont aussi demandeurs par rapport à la possibilité de participer à des essais cliniques.

La participation à la recherche clinique est une option qui permet à certains patients d’avoir accès à des traitements en cours de développement et dans bien des cas, comme en cancérologie, elle est la seule alternative porteuse d’espoir pour les malades ayant épuisé les traitements disponibles.

Mais cette recherche visant une médecine de précision (ou médecine personnalisée, adaptée entre autres aux caractéristiques génétiques du patient), devient plus complexe de par les nouvelles technologies qu’elle doit intégrer. L’impact en termes d’information scientifique et réglementaire s’en ressent sur le contenu des formulaires de consentement éclairé que doivent lire, comprendre et signer les participants à la recherche clinique.

Une autre étape importante a eu lieu en 2008, avec le financement par la Commission européenne du programme Patient Partner. Le projet de 3 ans et d’un coût total d’un million d’euros avait comme objectif d’identifier les besoins des patients pour un partenariat dans le cadre d’essais cliniques. Il a évolué dans le temps en un moyen de communication continue pour encourager les interactions entre patients et chercheurs. 

Projet EUPATI

Le projet européen EUPATI (Académie européenne des patients pour l’innovation thérapeutique), lancé en 2012, a comme objectif d’informer les patients et leurs représentants sur les étapes et enjeux de la recherche médicale afin de les rendre aptes à défendre leurs intérêts et à être plus responsables et autonomes face à leur maladie.

Le site Internet d’EUPATI comprend plusieurs milliers d’articles et de documents multimédias sur la R&D médicale, traduits en 7 langues européennes.
EUPATI organise aussi des formations, en partie avec des cours en ligne mais aussi des sessions au cours desquelles les participants de différents pays européens se retrouvent et rencontrent des formateurs des milieux académiques, réglementaires et industriels.

A l’aire du «big data», avec l’explosion des connaissances en médecine ainsi que le développement massif des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les données générées, collectées et stockées notamment pendant le parcours de soins des patients sont massives. La question se pose alors sur la place du patient et la maîtrise qu’il souhaite conserver de l’utilisation de ses données personnelles.

Un projet intéressant, initié en Suisse, MIDATA.COOP permet de regrouper toutes les données de santé et autres données personnelles dans un seul endroit sécurisé. Le patient peut décider de partager ses données avec ses proches ou son (ses) médecin(s), ou de  participer à la recherche en donnant accès à une partie de ses données. Cette plateforme fonctionne en considérant que le patient fait un don de ses données pour faire avancer la science et la médecine.

MIDATA est la propriété des citoyens: des copies des données personnelles sont stockées dans des coopératives MIDATA détenues et contrôlées par les citoyens. Les membres ont accès à des outils pour analyser, visualiser et interpréter leurs données. De cette manière, ils seront de plus en plus en mesure de prendre le contrôle de leur propre santé. Le modèle MIDATA permet la construction de coopératives régionales/nationales dont les règles communes permettent de créer et de réaliser des projets de recherche de manière équitable et démocratique. Enfin, concernant la question délicate de la sécurité, les données sont chiffrées et seuls les membres possèdent la clé d’accès à leurs données. Chaque accès est consigné. L’accès aux données contrôlé par les citoyens sera sécurisé entre différentes coopératives nationales afin de permettre la mise sur pied de projets de recherche et d’essais cliniques à l’échelle mondiale.

En France, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), a récemment lancé un projet d’envergure, intitulé «ComPaRe», Communauté des Patients pour la Recherche, où le patient devient un véritable acteur de la recherche sur sa maladie et sur les maladies chroniques en général. En répondant régulièrement à des questionnaires sur ses symptômes et sa prise en charge, les patients aideront les médecins et chercheurs à répondre aux questions importantes sur les maladies chroniques. ComPaRe va plus loin encore, en permettant aux patients de participer au choix des questions de recherche, à l’organisation de la cohorte en intégrant les comités décisionnels, au recrutement de nouveaux participants et à la préparation des outils de communication.

ComPaRe est un projet innovant, basé sur l’idée d’une recherche collaborative visant à placer le patient au cœur de la recherche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les patients pourront être les meilleurs «ambassadeurs» d’une recherche médicale accessible, fiable, transparente et équitable.

Plate-formes de partage

Une autre initiative sur Internet, Cure- Click, est une plate-forme de «crowdsharing » conçue pour accroître la sensibilisation aux essais cliniques et pour accélérer le recrutement en permettant aux membres influents des communautés en ligne de se retrouver facilement et de diffuser des informations accessibles aux patients via leurs réseaux sociaux.

Le site WeGoHealth, regroupe un réseau de plus de 100.000 des membres les plus influents de la communauté de la santé en ligne. Ce sont des blogueurs, tweeters, pinners, et les dirigeants des pages Facebook – ce sont des patients autonomes qui animent la conversations sur les soins de santé en ligne. ClinicalTrialsGPS est un site nord-américain qui fournit à ses utilisateurs une cartographie de tous les essais cliniques en cours et permet, en fonction de la localisation GPS du patient, de trouver rapidement le site clinique le plus proche et actif dans l’essai clinique qui correspond à sa maladie et aux critères d’éligibilité de l’étude.

À la suite de ces initiatives (et d’autres), les chercheurs ont été encouragés à examiner les essais cliniques différemment.
Le point de vue du patient peut apporter une perspective unique et de nouvelles idées au processus. Cependant, il peut se heurter à des problèmes de fiabilité et validité – comme la façon de mesurer spécifiquement certains éléments et les intégrer dans les résultats.

Malgré tout, le fait que les patients deviennent acteurs de la recherche peut présenter plusieurs avantages: ils connaissent mieux que quiconque ce qui est pertinent du point de vue de leur expérience et de leurs préoccupations et peuvent aider à poser les bonnes questions dans un essai.

Les patients peuvent suggérer des aspects pratiques pour faciliter les aspects logistiques et de ce fait améliorer la participation aux études cliniques. Ils peuvent aussi accélérer le recrutement en passant le mot autour d’eux.

Les patients participant à la dissémination des résultats des recherches permettent de mieux transmettre l’information à un public non averti en faisant passer les messages qui sont pertinents pour ce dernier.

Au-delà de leur rôle de «fournisseurs» de données médicales et maintenant d’ «acteurs» de la recherche, les patients pourront être les meilleurs «ambassadeurs» d’une recherche médicale accessible, fiable, transparente et équitable.

Références bibliographiques et liens disponibles sur demande.
 

 

 

 

 

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