Article publié dans le magazine SEMPER – édition juillet 2021 – www.dsb.lu
Rubrique « Recherche » sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du CIEC, LIH
Essais cliniques pendant la pandémie: considérations principales
Le nouveau coronavirus identifié en décembre 2019 induit une pneumonie grave, un syndrome de détresse respiratoire aiguë ainsi qu’une défaillance potentielle de plusieurs organes chez l’être humain. La maladie connue sous le nom de la COVID-19 s’est depuis transformée en une pandémie touchant tous les pays du monde où elle a provoqué une mortalité et une morbidité généralisées. Plusieurs domaines ont été impactés par la pandémie soit par l’arrêt total des activités soit par la mise en place d’une procédure de travail inhabituelle. L’implémentation et le déroulement des études cliniques n’en ont pas été épargnés.
Ali Znati, Clinical Research Associate, CIEC
Deux questions principales se sont donc imposées à cet égard, notamment comment maintenir un essai clinique en situation de pandémie, et quelles sont les mesures à prendre pour lancer un nouvel essai dans ce contexte de crise sanitaire.
Impact de la pandémie sur les essais cliniques
La pandémie a mis les études cliniques en situation d’alerte. Plusieurs études ont été suspendues ou arrêtées définitivement.
Les études académiques ont été particulièrement touchées par la crise sanitaire parce que le budget est souvent limité et le personnel conduisant l’étude clinique académique est réduit. Les grandes boites pharmaceutiques ont ainsi eu des difficultés à gérer le quotidien de leurs études et à maintenir un niveau de qualité acceptable pour tous ces projets.
91,7% des essais cliniques ont été suspendus en Europe. Sur un total de 683 essais cliniques arrêtés à cause de la pandémie, 64% sont des études académiques et 36% sont des essais financés par des industries pharmaceutiques. Le tableau ci-dessous montre la progression de l’impact de la pandémie sur les projets cliniques entre mars, juin et août 2020 en Europe.
Des recommandations qui se mettent à jour sans cesse, des déviations au protocole, recrutement très lent ou absent, manque des ressources humaines et les difficultés logistiques (annulation des visites patients, annulation des visites de monitoring…) sont parmi les plus grands challenges durant la pandémie.
Cependant, les essais cliniques académiques et industriels étudiant la COVID-19 ont connu un grand succès et se sont développés de manière exponentielle, à cause de la nécessité urgente de connaitre davantage le virus et la maladie, ses possibilités de traitement et les raisons pour lesquelles certaines populations sont plus touchées que d’autres.
Ces études ont donc gagné en popularité auprès des promoteurs, investigateurs, centres d’investigation et autorités règlementaires.
Tous les travaux de recherche sont orientés vers la COVID-19 afin d’éclaircir la structure du virus, son mode d’action et ses effets, avec le but de mettre en place des protocoles d’hygiène et des actions barrières préventives, mais aussi pour concevoir des médicaments et des vaccins efficaces. Le schéma ci-dessous illustre les différents aspects d’un essai clinique sur la COVID-19.
«Des recommandations qui se mettent à jour sans cesse, des déviations au protocole, recrutement très lent ou absent, manque des ressources humaines et les difficultés logistiques sont parmi les plus grands challenges durant la pandémie.» |
Maintenir un essai clinique durant la pandémie
Pour faire face aux impacts de cette pandémie, plusieurs directives locales et régionales ont été adoptées.
Le but de ces directives est d’harmoniser les méthodes et les plans d’action mis en place et de minimiser les répercussions sur la sécurité des participants, la compliance aux bonnes pratiques cliniques, les exigences des protocoles et l’intégrité des donnés.
Etant donné que les promoteurs des études cliniques n’étaient pas prêts en terme des procédures et de savoir-faire pour assurer la continuité de leurs essais, l’agence européenne des médicaments a mis en place un guide pour soutenir les efforts des promoteurs et des investigateurs.
• Guide de managements des essais cliniques durant la pandémie de COVID-19
Les recommandations européennes intitulées «Guide de management des essais cliniques durant la pandémie de COVID-19» préparé par l’agence européenne des médicaments ont été mises en place très rapidement et actualisé plusieurs fois depuis, la version 4 ayant été publiée en avril 2021.
Ces recommandations visent à donner un cadre pour la conduite des essais cliniques à appliquer pour franchir les barrières imposées par la pandémie.
La sécurité du participant est toujours restée au centre des préoccupations, l’évaluation du risque lié à l’étude clinique n’étant valable que si elle prend en considération le risque et l’impact de la COVID-19.
Les recommandations ont touché les différents aspects de l’essai clinique, ainsi que des cas particuliers pour donner plus de solutions aux promoteurs et aux investigateurs, tout en considérant les règles de bonnes pratiques cliniques qui restent toujours valables et applicables.
a/ L’amendement de protocole
Le protocole doit inclure les mesures particulières adoptées pour gérer l’étude durant la pandémie. Il faut aussi mettre à jour la balance bénéfice-risque pour refléter le risque lié à la pandémie.
Ces changements au protocole initial sont considérés comme substantiels et nécessitent l’approbation du comité d’éthique et des autorités règlementaires.
b/ Les soumissions
Les investigateurs sont appelés à notifier tous les évènements liés à la sécurité des participants et les déviations au protocole.
Uniquement les amendements substantiels sont à soumettre au comité d’éthique et aux autorités compétentes. Les amendements non-substantiels ne devront pas être soumis. Cependant, lors d’une ultérieure soumission d’amendement substantiel au protocole, ces changements mineurs devront être inclus.
c/ Le consentement
La procédure de consentement éclairé doit être réalisée en respectant les exigences de bonnes pratiques cliniques et les réglementations locales.
Pour les études sur les patients atteints de la COVID-19, l’investigateur peut prendre l’accord du participant oralement en présence d’un témoin qui signe le consentement. Les représentants légaux doivent être présents et signent le consentement dans le cas des participants mineurs ou des adultes incapables de consentir.
Alternativement, l’investigateur et le patient peuvent signer chacun sa copie du consentement pour éviter le risque de contamination.
L’investigateur doit bien documenter la procédure de consentement dans le dossier du participant.
«La conception des essais cliniques à lancer durant la pandémie doit prendre en considération les conditions de travail inhabituelles.» |
d/ Le traitement à l’étude
Le promoteur peut faire recours à une société qualifiée capable de distribuer le traitement au domicile des participants.La protection des données personnelles des participants doit être assurée par des procédures solides (exemple: accord de confidentialité entre promoteur et la société, prise de l’accord du participant avant partage de ces données…).
On peut également prévoir de fournir une quantité supérieure à celle prévue pour éviter tout risque l’épuisement de traitement pour le participant, si cela ne présente pas de risque additionnel pour le participant (surdosage,…).
e/ Monitoring
Les restrictions appliquées dans certains pays ont rendu impossible de réaliser des visites de monitoring sur les centres. Pour surmonter ces difficultés, le promoteur de l’étude et l’investigateur peuvent avoir recours aux solutions suivantes:
Monitoring centralisé: cette méthode est établie selon les bonnes pratiques cliniques «ICH GCP E6 section 5.18.3. Elle consiste à la revue des données existantes dans les différents systèmes utilisés par l’étude (eCRF, questionnaire électronique, rapports du laboratoire central…).
Le but est d’évaluer le risque sur chaque centre, veiller à la qualité des données et assister le centre d’investigation.
Monitoring à distance: le centre peut partager le consentement et les dossiers sources anonymisées du participant avec le moniteur de l’étude pour effectuer un contrôle qualité des données et des procédures.
Le SDV («source data vérification») à distance est acceptable juste pendant la durée de la pandémie. Le rapport de la visite à distance est documenté sur une Template spécifique et partagé avec le promoteur pour revue et signature.
Off site monitoring: cette méthode est basée sur la communication entre le moniteur et les investigateurs en se servant des systèmes de téléconférences, échangeant des emails et des appels téléphoniques à une fréquence très régulière pour assurer un suivi de près du déroulement de l’étude dans ces conditions exceptionnelles. Chaque contact doit être documenté dans un rapport du contact et partagé avec le promoteur.
Lancement des nouveaux essais cliniques
La conception des essais cliniques à lancer durant la pandémie doit prendre en considération les conditions de travail inhabituelles.
Le promoteur se doit de profiter de la progression technologique pour faciliter certaines tâches liées à la mise en place et le suivi des études cliniques, tels que l’implémentation d’un système de consentement électronique et des consultations online ou à distance des dossiers médicaux pour le monitoring.
Si des visites sur site clinique de patients inclus dans les protocoles sont indispensables, le nombre de visites du participant doit être réduit, si possible, et les visites éloignées afin de minimiser le risque à l’égard du participant et du personnel.
Les avancées technologiques concernant le consentement, la distribution du traitement et le monitoring, reprises dans la section précédente, restent valables et sont fortement conseillées.
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