English (United States)
 

Bougeons-nous pour développer une approche systématique de l’activité physique dans la prise en charge des maladies chroniques !

11/10/16
reduce font Size enlarge font Size print content
Category: Other
ART0313HA00OS583.jpg

Article paru dans le magazine Semper - édition Septembre 2016 - www.jrm.lu

Bougeons-nous pour développer une approche systématique de l’activité physique dans la prise en charge des maladies chroniques !

Alexis Lion1,2, Cathy Schummer1, Charles Delagardelle2,3, Axel Urhausen4,5, Romain Seil6, Daniel Theisen1

1 Sports Medicine Research Laboratory, Luxembourg Institute of Health, Luxemburg, Luxembourg
2 Fédération Luxembourgeoise des Associations de Sport de Santé (FLASS a.s.b.l.), Strassen, Luxembourg
3 Service de Cardiologie, Centre Hospitalier de Luxembourg, Luxembourg, Luxembourg
4 Clinique du sport, Centre Hospitalier de Luxembourg, Luxembourg, Luxembourg
5 LUNEX University, Differdange, Luxembourg
6 Service de chirurgie orthopédique, Centre Hospitalier de Luxembourg, Luxembourg, Luxembourg

Adresse de correspondance :
Dr Alexis Lion, PhD, Sports Medicine Research Laboratory, Luxembourg Institute of Health, 76 Rue d'Eich, L-1460 Luxembourg, Luxembourg.
Tel: +352-26970-849
E-mail: alexis.lion@lih.lu
Twitter: @LionAlexis


La sédentarité est l’une des premières causes de décès dans le monde avec plus de 5 millions de victimes par an 1. Elle est un des facteurs de risques les plus importants des maladies chroniques (c.-à-d. les maladies non-transmissibles) 1. Le lien entre l’inactivité physique et la survenue de maladies cardiovasculaires est par exemple démontré depuis plus de 60 ans. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Efficacité de l’activité physique dans la prise en charge des maladies chroniques : les preuves s’accumulent !

Pour les autres maladies chroniques, les preuves sont plus récentes mais s’accumulent chaque année. Il a  notamment été récemment démontré que l’activité physique permettait de diminuer le risque de survenue d’au moins 10 cancers indépendamment d’autres facteurs de risque comme le tabagisme ou l’obésité 2. Nous pouvons donc sauver de nombreuses vies en réduisant ou en éradiquant l’inactivité physique. L’activité physique n’est pas seulement bénéfique dans le cadre de la prévention primaire de maladies chroniques (Figure 1), mais elle l’est également dans leur prise en charge 3. Elle a une influence positive sur les structures et les fonctions corporelles, sur l’évolution de la maladie et le taux de rechute 3, 4. Elle retarde la progression des maladies chroniques dégénératives. De plus, pour l’ensemble des maladies, elle renforce le sentiment d’accomplissement personnel, diminue la dépendance et améliore la qualité de vie. Ses effets thérapeutiques sont tels qu’il conviendrait même de la considérer comme un médicament à part entière 3, 5, 6. Si tous ces éléments plaident en faveur de l’activité physique, celui de la rentabilité économique du traitement des patients par la participation à des ateliers sportifs adaptés s’y ajoute encore ; la promotion de ces activités est donc un investissement nécessaire et payant sur le long terme 7, 8. Les conseils délivrés par les professionnels de santé figurent en toute première place dans la liste des actions permettant de sensibiliser les patients à un coût raisonnable 8.

Plan stratégique 2016-2025 pour l’activité physique pour la Région Européenne de l’Organisation mondiale de la Santé

Ce plan stratégique dresse une liste d’actions concernant l’activité physique que les différents gouvernements de la région Européenne de l’OMS devraient mettre en place 9. Les principaux points sont les suivants :
• Le Gouvernement (Chef du Gouvernement en personne) et le Ministère de la Santé doivent faire la promotion de l’activité physique.
• La promotion de l’activité physique par les professionnels de santé doit devenir la norme.
• Les programmes d’activité physique doivent être remboursés par les sociétés d’assurance maladie ou les systèmes nationaux de santé
• Les états doivent favoriser le développement des formations permettant le conseil de l’activité physique la plus adaptée aux patients.
• Les gouvernements nationaux et les décideurs locaux doivent faciliter l’accès aux infrastructures sportives adaptées.
• La recherche des approches visant à inciter la population à pratiquer une activité physique doit être développée.

État des lieux au Luxembourg en 2016 : plus de 55 heures d’activité physique chaque semaine pour les patients !

En 2016, plus de 55 heures d’activités physiques sont offertes chaque semaine au Grand-Duché pour des personnes atteintes de maladies chroniques (Figure 2) 10. Ces activités physiques sont proposées par des associations, des fondations, des communes ou des structures qui ont une visée philanthropique. Elles concernent les pathologies cardiovasculaires, les maladies rares, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaque, le surpoids et l’obésité, le cancer, les pathologies orthopédiques du genou ou de la hanche, et les blessures sportives (Tableau 1). Les diverses activités proposées (gymnastique, marche nordique, aquagym, boxe, yoga, etc.) sont encadrées par des professionnels de la santé et de l’activité physique qui connaissent les particularités des pathologies rencontrées. Elles sont principalement proposées à Luxembourg-Ville, dans sa périphérie et dans le sud du pays (Figure 3). En 2016, la participation est en moyenne de 8 personnes par heure d’activité physique (Figure 4) 10. Selon les professionnels qui encadrent ces activités, la participation pourrait être augmentée à 18 personnes par heure d’activité physique sans diminuer la qualité ni la sécurité des cours 10, 11. Plus de 57 % des participants ont été informés de l’existence de ces cours d’activité physique par des professionnels de la santé (médecins, kinésithérapeutes, infirmiers). Ce mode de sensibilisation atteint 74 % pour le secteur des maladies cardiovasculaires et 85 % pour celui des maladies métaboliques 10. Cependant, ce mode de sensibilisation repose principalement sur l’effort de quelques rares idéalistes. La promotion des activités physiques thérapeutiques réalisée dans différents médias par les organisations offrant les cours constitue le deuxième mode de sensibilisation (24 %). Ce mode de sensibilisation est actuellement le plus efficace pour les personnes atteintes de maladies rares et neurologiques (54 %) 10.
Les difficultés rencontrées par les organisations qui proposent les activités physiques concernent les points suivants :
• les locaux (coûts élevés, indisponibilité en particulier pendant les vacances scolaires, etc.)
• la sensibilisation (manque de soutien logistique, financier et politique)
• l’implication des professionnels de santé (méconnaissance de l’offre disponible et de la posologie du médicament « activité physique »)
• les formations initiales et continues des encadrants (manque de soutien logistique et financier)
• la rémunération des encadrants.

Augmenter la prise de conscience

La population a besoin d’être informée et éclairée pour mieux comprendre les bénéfices de l’activité physique sur la santé, et les risques liés à la sédentarité. Les actions de sensibilisation de la population, et en particulier les personnes atteintes de maladies chroniques, revêtent donc une importance particulière.
Le projet Sport-Santé a été créé en 2015, grâce au soutien de l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, pour soutenir les efforts de sensibilisation des différentes organisations proposant des ateliers sportifs à l’attention des personnes atteintes de maladies chroniques au Luxembourg. Ce projet a pour but principal l’augmentation du nombre de participants aux groupes d’activités physiques thérapeutiques existants. Afin d’atteindre cet objectif, des outils ont été développé par les experts du Sports Medicine Research Laboratory (Luxembourg Institute of Health). Parmi ces outils, le portail internet www.sport-sante.lu permet à chaque personne concernée (patients, professionnels de santé, etc.) de trouver facilement un groupe d’activité physique adaptée à une pathologie. Ce portail regroupe toutes les informations sur l’activité physique thérapeutique et permet de trouver les informations pratiques concernant l’offre disponible au Grand-Duché (maladies, organisateurs, types d’activité physique, lieux, horaires, etc.). Les professionnels de santé peuvent utiliser le portail www.sport-sante.lu pour conseiller, voire prescrire, des activités physiques adaptées aux besoins de leurs patients. Des informations complètes, objectives et scientifiques sur les activités physiques recommandées en fonction des pathologies y sont disponibles. De plus, des outils d’information (flyers et posters rédigés en allemand et en français) ont été créés pour être remis aux patients et peuvent être fournis sur demande (voir adresse de correspondance) ou bien téléchargés sur www.sport-sante.lu (depuis la rubrique « Documents/Presse »). Le plaidoyer de Sport-Santé concernant l’activité physique et les maladies chroniques est diffusé dans la presse spécialisée locale et lors de différents évènements au Luxembourg.
Sport-Santé a permis de créer un réseau composé des organisations offrant des activités physiques aux personnes atteintes de maladies chroniques. Actuellement, six de ces organisations (ALAN Maladies Rares, Association Luxembourgeoise des Groupes Sportifs pour Cardiaques, Association Luxembourgeoise des Groupes Sportifs Oncologiques, Blëtz, Fondation Cancer, Medizinische SportGruppen für Orthopädische und Metabolische Erkrankungen) se sont unies au sein de la nouvelle Fédération Luxembourgeoise des Associations de Sport de Santé (FLASS, www.flass.lu). La prise de conscience ne pourra se faire que grâce à l’action coordonnée de l’ensemble des acteurs du secteur de l’activité physique et de la santé (Sport-Santé, FLASS, organisations offrant les activités physiques thérapeutiques,  pouvoirs publics, etc.). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conseils et prescriptions médicales

Les professionnels de santé ont un rôle important à jouer pour lutter contre la pandémie de maladies chroniques ayant pour origine principale l’inactivité physique et la sédentarité. Plusieurs institutions (Organisation mondiale de la Santé, Healthy People 2020, Exercise is Medicine®, ExerciseWorks!®) appellent à une augmentation de la proportion des consultations médicales qui incluent des conseils liés à l’activité physique. Si le sujet est encore insuffisamment abordé aujourd’hui, les professionnels de santé peuvent être des motivateurs puissants pour augmenter la pratique d’une activité physique par leurs patients 12. L’absence de promotion de l’activité physique au cours de la consultation médicale est même considérée par certains comme une faute professionnelle 13. Différentes raisons expliquent l’absence de prescription médicale de l’activité physique de la part des professionnels de santé : méconnaissance de la posologie du médicament « activité physique », expérience personnelle au regard de leur propre activité physique, manque de temps, surestimation des contre-indications et des effets secondaires de l’activité physique, craintes de poursuites judiciaires, absence de remboursement 14. Cependant, la prescription de l’activité physique se développe internationalement alors qu’elle est quasi-inexistante au Luxembourg. 

Motivation des patients

Il est aujourd’hui essentiel de développer et d’explorer des stratégies permettant d’influencer positivement les patients en faveur de la pratique d’une activité sportive. L’entretien motivationnel, qui est un style de conversation collaboratif visant à renforcer la motivation propre d’un individu et son engagement vers le changement de comportement, permet d’augmenter les niveaux d’activité physique des personnes atteintes de maladies chroniques 15, 16. Réalisé par des professionnels de santé (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues, etc.), il peut être effectué sous forme d’une conversation directe, ainsi que par téléphone. Une étude canadienne a par exemple évalué l’effet des entretiens motivationnels (9 entretiens en un an réalisés par des kinésithérapeutes) sur l’engagement des patients atteints d’une maladie coronarienne à pratiquer de l’activité physique 17. Par rapport à la prise en charge habituelle, cette technique a permis d’augmenter le temps de pratique d’activité physique à une intensité modérée ou vigoureuse. En oncologie l'utilisation des entretiens motivationnels a démontré un succès comparable 16. Cette technique prometteuse doit être développée et testée au Luxembourg.

Cours « Sport-Santé » dans les cursus des professions médicales et paramédicales aux Luxembourg

Comme indiqué précédemment, la méconnaissance de l’activité physique en tant que traitement thérapeutique est une des raisons expliquant pourquoi certains médecins hésitent encore à la prescrire. Le manque de formation concernant l’activité physique a été mis en évidence dans de nombreux rapports au cours de ces dernières années 18. Récemment, certaines institutions étrangères ont commencé à mettre en place des formations alliant modules théoriques et pratiques donnant aux professionnels de santé et aux médecins les clés leur permettant  de conseiller leurs patients, voire de leur prescrire de l’activité physique 18-20.
Même si la plupart des professionnels de santé exerçant au Luxembourg ont été formés, au moins en partie, à l’étranger, les institutions luxembourgeoises proposant des formations médicales et paramédicales (Université de Luxembourg, LUNEX University, Lycée Technique Pour Professions de Santé) doivent implémenter des cours concernant l’activité physique et la santé. Des démarches ont déjà été entreprises dans le cadre du projet Sport-Santé pour développer des formations. Elles pourraient être labélisées « Sport-Santé » et doivent inclure des cours théoriques ainsi que des cours pratiques. L’offre disponible au Luxembourg en matière d’activité physique adaptée aux patients atteints de maladies chroniques pourra être présentée lors de ces formations.

Conclusion

La sensibilisation des professionnels de santé est une étape cruciale dans la lutte contre la sédentarité, en particulier pour les personnes atteintes de maladies chroniques. Les conseils et la prescription de l’activité physique comme mesure thérapeutique doivent devenir la norme. De nombreux leviers d’actions ont été identifiés pour aller dans ce sens et permettront d’agir, avec l’aide de l’ensemble des acteurs du secteur de l’activité physique et de la santé, pour le futur. 

Remerciements

Le projet Sport-Santé est soutenu par l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte. Les auteurs remercient Madame Juliette Pertuy (Communication, Luxembourg Institute of Health) pour ses conseils avisés lors de la rédaction de cet article.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

This page shows recent articles about clinical research.

The articles can be sorted by therapeutic area or disease, but may also deal with more general topics not specifically related to a disease. These  articles can be sorted as "other".