Article paru dans le magazine Semper – édition Avril 2022 – www.dsb.lu
REGULATORY : Une rubrique originale de Semper Luxembourg en collaboration avec la Division de la Pharmacie et des Médicaments - Sous la Direction du Dr Anna Chioti
La législation pharmaceutique de l’UE connue sous le nom de règlement sur les essais cliniques (règlement (UE) n° 536/2014) est entrée en vigueur le 31 janvier 2022, abrogeant la directive sur les essais cliniques (CE) n° 2001/20/CE. Le nouveau règlement vise à garantir que l’UE offre un environnement attractif et favorable à la réalisation de recherches cliniques à grande échelle, avec des normes élevées de transparence publique et de sécurité pour les participants aux essais cliniques.
L’Agence européenne des médicaments (EMA) s’appuie sur les résultats d’essais cliniques menés par des laboratoires pharmaceutiques pour formuler ses avis sur l’autorisation des médicaments.
Bien que l’autorisation des essais cliniques se produise au niveau national, l’EMA joue un rôle clé en garantissant que les normes de bonnes pratiques cliniques (BPC) sont appliquées dans l’ensemble de l’Espace économique européen (EEE) en coopération avec les États membres. Elle gère également une base de données d’essais cliniques réalisés dans l’Union européenne (UE).
La législation actuellement en vigueur au Luxembourg dont notamment le règlement grand-ducal de 2005 (BPC) et la loi du 8 mars 2018 qui précise qu’aucun «essai, étude ou expérimentation clinique ne peut être pratiqué sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sans autorisation préalable du ministre, les avis de la Direction de la santé et du Comité national d’éthique de recherche ayant été demandés au préalable».
La mission d’évaluation des essais cliniques de médicaments à usage humain fait partie des attributions de la Division de la Pharmacie et des Médicaments (DPM). La DPM se prépare à accompagner l’implémentation du nouveau règlement européen, mieux connu des initiés sous l’acronyme CTR pour «Clinical Trial Regulation».
Le règlement sur les essais cliniques harmonise les processus d’évaluation et de supervision des essais cliniques dans toute l’UE.
L’évaluation, l’autorisation et la supervision des essais cliniques relèvent de la responsabilité des États membresde l’UE et des pays de l’Espace économique européen (EEE).
Avant le règlement, les promoteurs d’essais cliniques devaient soumettre les demandes d’essais cliniques séparément aux autorités nationales compétentes et aux comités d’éthique de chaque pays pour obtenir l’autorisation réglementaire de mener un essai clinique. Le règlement permet aux promoteurs de soumettre une demande en ligne via une plateforme en ligne unique connue sous le nom de système d’information sur les essais cliniques (CTIS) pour obtenir l’autorisation de mener un essai clinique dans plusieurs pays européens, ce qui rend plus efficace la réalisation de tels essais multinationaux.
Le règlement permet également aux États membres de l’UE d’évaluer et d’autoriser ensemble ces demandes plus efficacement, via le système d’in¬formation sur les essais cliniques.
L’objectif est de favoriser l’innovation et la recherche dans l’UE, en facilitant la conduite d’essais cliniques de plus grande envergure dans plusieurs États membres de l’UE/pays de l’EEE.
Parmi les autres avantages clés le règlement vise à:
• améliorer le partage d’informations et la prise de décision collective sur les essais cliniques;
• accroître la transparence des informations sur les essais cliniques;
• garantir des normes de sécurité élevées pour tous les participants aux essais cliniques de l’UE.
Le système d’information sur les essais cliniques (CTIS) permet le flux d’informations entre les promoteurs d’essais cliniques (chercheurs ou entreprises qui mènent un essai clinique et collectent et analysent les données), et les autorités réglementaires des États membres de l’Union européenne (UE), des pays de l’Espace économique européen (EEE) et la Commission européenne, et ce tout au long du cycle de vie d’un essai clinique. Le CTIS a été mis en ligne avec un site Web public consultable le 31 janvier 2022.
En vertu du règlement CTR, les pro¬moteurs d’essais cliniques peuvent utiliser le système d’information sur les essais cliniques (CTIS) à partir du 31 janvier 2022, mais ne sont pas obligés de l’utiliser immédiatement, conformément à une période de transition de trois ans. Les régulateurs nationaux des États membres de l’UE et des pays de l’EEE sont tenus d’utiliser le CTIS à partir du 31 janvier 2022.
Le système a les fonctionnalités suivantes:
• permet aux promoteurs de demander une autorisation d’essai clinique dans jusqu’à 30 pays européens avec une seule demande en ligne;
• permet aux régulateurs nationaux de traiter en collaboration les demandes d’essais cliniques dans plusieurs pays, de demander des informations supplémentaires, d’autoriser ou de refuser un essai et de superviser un essai autorisé;
• facilite l’extension des essais à d’autres pays de l’EEE;
• permet la transparence et l’accès aux informations pour toute partie intéressée par les essais cliniques menés dans l’EEE via un site Web consultable par le public dans les langues de officielles de l’UE ( https://euclini-caltrials.eu/ )
«Le nouveau règlement CTR imposera une nouvelle métho¬dologie pour la réalisation d’essais cliniques de médicaments dans l’Union européenne (UE). Le règlement harmonise les procédures de soumission, d’évaluation et de supervision d’essais cliniques de médicaments dans l’UE par le biais du système central d’information sur les essais cliniques (CTIS).» |
Les différentes phases des essais cliniques sont des étapes incontournables du développement d’un médicament car leurs résultats conditionnent son autorisation de mise sur le marché (AMM).
Le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA est chargé de procéder à l’évaluation d’un médicament à usage humain pour lequel une autorisation de mise sur le marché à l’échelle de l’UE est demandée. Dans le cadre de son travail d’évalua-tion scientifique, le CHMP examine les données des essais cliniques incluses dans la demande.
Les données des essais cliniques sont incluses dans les rapports d’études cliniques qui constituent une grande partie des dossiers de demande déposés par les entreprises pharmaceu¬tiques sollicitant une autorisation de mise sur le marché via l’Agence.
Les évaluations sont basées sur des critères purement scientifiques et déterminent si les médicaments concernés satisfont ou non aux exigences de qualité, de sécurité et d’efficacité requises conformément à la législation de l’UE. Le suivi de toutes les procé-dures peut s’avérer long et difficile, à la fois pour les promoteurs d’essais cliniques.
La gestion des essais cliniques a dû être revue et adaptée à cause de la pandémie de COVID-19.
Il a fallu faire face aux situations extraordinaires que présente la pandé¬mie. Par exemple, l’auto-isolement ou la mise en quarantaine des participants à l’essai, l’accès limité aux lieux publics (y compris les hôpitaux) en raison du risque de propagation des infections et la réaffectation des professionnels de la santé.
Par ailleurs, les autorités réglementaires ont dû faire preuve de flexibilité et fournir des guidances supplémentaires notamment sur:
• les modalités de distribution de médicaments aux participants des essais. Cela tient compte des mesures de distanciation sociale et des éventuelles limitations au niveau du site où a lieu l’essai et des ressources hospitalières moins disponibles;
• la vérification à distance des données sources des dossiers des par¬ticipants dans le cadre des mesures de distanciation sociale.
L’EMA a également fourni des recommandations et des conseils spécifiques sur les essais cliniques pour les traitements COVID-19, y compris la nécessité de grands protocoles d’essais multinationaux.
Ceci était conforme à l’appel du CHMP exhortant la communauté de recherche de l’UE à donner la priorité aux grandes études cliniques contrôlées randomisées, car elles sont les plus susceptibles de générer les preuves concluantes nécessaires pour permettre le développement et l’approbation rapides de traitements potentiels contre le COVID-19.
Le CHMP était préoccupé par le nombre de petites études ou de programmes d’utilisation compassionnelle à travers l’Europe qui ne sont probablement pas en mesure de générer le niveau de preuve requis pour permettre des recommandations. De telles études ne seraient pas dans le meilleur intérêt des patients. C’est pourquoi les recommandations de l’EMA ont également souligné la nécessité d’inclure tous les pays de l’UE dans ces essais.
«Pendant la pandémie, les autorités réglementaires ont dû faire preuve de flexibilité et fournir des guidances supplémentaires, y compris la recommandation de mener de grands protocoles d’essais multinationaux, plutôt que des petits essais mononationaux.» |
L’Europe possède bon nombre des éléments nécessaires pour créer un environnement favorable à l’innovation et à la recherche et au dévelop¬pement, notamment un secteur des sciences de la vie de classe mondiale, une vaste infrastructure de soins de santé capable de soutenir la recherche clinique, une abondance de données sur les soins de santé disponibles auprès des systèmes de santé publique et une médecine universitaire de haut niveau.
Environ 40% des essais cliniques qui sont initiés par des universités, sont souvent petits et presque tous mono-nationaux, et environ 60% par l’industrie pharmaceutique, avec un passage récent à des essais plus académiques effectués pendant la pan-démie de COVID19.
Les deux groupes d’essais ont besoin d’un soutien et d’une habilitation plus importants pour que l’Europe puisse s’épanouir en tant que pôle mondial de la recherche clinique, à la fois dans le développement de nouveaux médicaments et dans l’amélioration de l’utilisation des médicaments existants.
L’environnement actuel des essais cliniques est difficile. Les événements récents, y compris la pandémie de COVID-19, ont démontré une absence relative d’essais multi-états et impactants dans l’UE et l’analyse des demandes d’essais cliniques continue de montrer l’enregistrement d’une prépondérance d’études se déroulant dans un seul État membre.
Le manque d’harmonisation des exigences réglementaires entre les États membres complique la soumission de demandes d’essais multi-États. Les autorisations d’essais plus lentes qui en résultent pourraient affecter négativement la réactivité de la recherche, ce qui est particulièrement inquiétant pendant une crise de santé publique en évolution rapide.
De plus, les dépenses pour mener des essais sont élevées. Pris ensemble, ces éléments pourraient en partie expliquer les résultats d’une analyse des demandes centralisées d’autorisation de mise sur le marché ayant montré une baisse de l’inclusion des résultats d’essais générés dans l’UE.
Pour y remédier, les leçons tirées des adaptations réglementaires mises en place pendant la pandémie pourraient continuer à être appliquées pour générer un environnement de recherche plus réactif.
Reconnaissant la nécessité d’améliorations, combinées à l’application du nouveau règlement sur les essais cliniques au 31 janvier 2022, la stratégie à l’horizon 2025 du réseau EMA des agences réglementaires et la stratégie pharmaceutique de la Commission ont formulé des recommandations pour favoriser l’innovation dans les essais cliniques à travers l’initiative ACT-EU.
«Les leçons tirées des adaptations réglementaires mises en place pendant la pandémie pourraient continuer à être appliquées pour générer un environnement de recherche plus réactif.» |
1. Optimiser l’environnement de l’UE pour la recherche clinique en Europe, tout en maintenant un niveau élevé de protection des participants, de robustesse et de transparence des données:
a. Renforcer le leadership et la coordination de l’autorisation et de l’exécution des essais cliniques.
b. Optimiser la surveillance éthique et intégrer davantage les comités d’éthique dans le cycle de vie réglementaire des essais cliniques et des médicaments.
c. Soutenir la conduite d’essais cliniques multinationaux à grande échelle avec une portée géographique plus large.
d. Réduire la charge administrative et accroître l’efficacité.
2. Renforcer les essais cliniques qui fournissent des preuves décisionnelles pour les besoins médicaux non satisfaits, les maladies rares, et sur les vaccins et les thérapeutiques pour les crises de santé publique et les pandémies, en assurant le soutien aux organismes d’évaluation des technologies de la santé (HTA) ainsi qu’aux sponsors universitaires et PME.
3. Renforcer l’impact des essais cliniques européens grâce à des avis scientifiques d’excellence et coor¬donnés en complément de l’autorisation d’essai et pour soutenir l’autorisation de mise sur le marché et l’accès tout au long du cycle de vie du médicament.
4. Inciter toutes les parties prenantes à assurer de manière proactive le développement et la distribution de médicaments inclusifs axés sur le patient dans toutes les populations.
5. Assurer une position européenne claire et unifiée sur les essais cliniques avec une stratégique visible au niveau international.
6. Renforcer les capacités dans tous les aspects du développement de médicaments et de la science réglementaire grâce, entre autres, à la collaboration avec le milieu universitaire en recherche et en formation.
• Site de l’Agence européenne des médicaments: https://www.ema.europa.eu/en/human-regulatory/research-development/clinical-trials/clinical-trials-regulation
• Site de la Direction de la santé/Section Pharmacie et Médicaments: https://sante. public.lu/fr/espace-professionnel/domaines/pharmacies-et-medicaments/recherche-biomedicale.html
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