Cet article est paru dans le magasine Semper www.dsb.lu - Edition Janvier 2020
Rubrique « Recherche » sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du Clinical and Epidemiological Investigation Center du LIH
En juin 2019, le Dr Guy Fagherazzi a été nommé chercheur responsable du «Digital Epidemiology and E-health hub», un nouveau poste stratégique au sein du «Department of Population Health» du LIH.
Ayant déjà été co-auteur de plus de 200 publications, le Dr Fagherazzi possède une expertise solide dans la recherche sur le diabète, ainsi que dans l’analyse d’études en population, s’appuyant sur les technologies numériques et sur l’intelligence artificielle (IA). Ancien Investigateur Principal à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), le Dr Fagherazzi a pour objectif de développer au LIH un axe de recherche auour des thèmes de recherche actuels de la «e-épidémiologie» et de la santé digitale (eHealth ou e-santé).
Dans une interview avec la rédaction de SEMPER, le Dr Fagherazzi présente son parcours professionnel, ses intérêts scientifiques et ses projets de recherche.
Formé à l’origine en mathématiques, je suis titulaire d’un double master: un master en «Modélisation en pharmacologie clinique et épidémiologie» de l’Université de Rennes, obtenu conjointement avec un diplôme d’ingénieur en «Statistique et sciences de la vie» de l’École nationale de la statistique et de l’analyse de l’information (ENSAI).
En 2011, j’ai obtenu un doctorat en épidémiologie de l’Université Paris-Sud Paris Saclay. Au cours de mon doctorat, je me suis spécialisé dans le domaine de l’épidémiologie du diabète, en me focalisant initialement sur les facteurs de risque de diabète de type 2 chez les femmes. J’ai eu accès aux données de grandes études de cohortes de population françaises et pan-européennes et j’ai commencé à m’intéresser aux outils de «e-santé» pour la collecte de données de recherche.
Durant ma période postdoctorale, j’ai eu l’opportunité de passer deux séjours de recherche en tant que chercheur invité auprès de l’Unité du diabète et de la santé de la population (Diabetes and Population Health Unit) au Baker Heart and Diabetes Institute à Melbourne, en Australie, l’une des unités de recherche les plus renommées dans le domaine de l’épidémiologie du diabète.
En 2013, j’ai accepté un poste de chercheur au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Paris. Pendant six ans, j’ai coordonné une équipe de quatre à cinq personnes sur l’épidémiologie du diabète et l’application de l’IA en épidémiologie. Parmi d’autres projets, j’ai été Investigateur Principal du World Diabetes Distress Study, une initiative de science ouverte axée sur l’utilisation de l’IA au service de la recherche sur le diabète. J’ai également initié plusieurs partenariats public-privé avec des sociétés pharmaceutiques et des start-ups en santé digitale sur l’utilisation de l’IA ou de dispositifs connectés en épidémiologie.
La «Digital Health», c’est-à-dire l’utilisation des technologies digitales pour surveiller et améliorer la santé, est actuellement un mot à la mode. Je me suis toujours intéressé aux nouvelles technologies et, au cours de mes travaux, j’ai pu démontrer que les outils numériques avaient un grand potentiel pour changer la vie des patients.
Cela est particulièrement le cas pour les patients atteints de diabète. Grâce aux smartphones et aux dispositifs médicaux connectés, les personnes atteintes de diabète peuvent suivre par exemple leur glycémie en continue. Ceci génère de grandes quantités de données qui sont très utiles pour la science, en particulier si elles peuvent être liées à des données sur le mode de vie et à des facteurs psychologiques, par exemple.
Le contenu généré sur les réseaux sociaux par les personnes diabétiques est également très utile afin de mieux comprendre leurs habitudes dans la «vraie vie», comment ils gèrent la maladie et comment ils se sentent. Sans aucun doute, les données générées en ligne par un individu - ce que j’appelle le «digitosome» - offrent de nouvelles possibilités pour les études en santé publique.
J’aime travailler à l’interface entre l’épidémiologie digitale, la «data science» et la recherche clinique. Pour moi, le plus grand défi est maintenant de développer des approches innovantes où les données numériques sont combinées avec d’autres données «omiques», biologiques et cliniques, afin de réussir à mieux caractériser les patients.
J’ai remarqué que la santé numérique devenait une priorité au Luxembourg. Au LIH, j’ai trouvé un environnement de recherche dynamique et propice aux projets innovants. Mon objectif en rejoignant le LIH était de contribuer à la stratégie scientifique globale de l’institut. Premièrement, je souhaite soutenir le «Department of Population Health» dans la transition vers des méthodes modernes d’analyse des données épidémiologiques, ce qui permettra de mener une vrai «révolution digitale» dans le domaine de l’épidémiologie.
Deuxièmement, bien que mon travail porte principalement sur l’épidémiologie du diabète, mon axe de recherche doit être transversal, ce qui signifie que d’autres groupes de recherche travaillant dans le domaine du cancer, de l’inflammation ou des maladies neurodégénératives pourront bénéficier des développements et des résultats.
Je vois également de nombreuses opportunités pour établir des collaborations avec d’autres instituts de recherche nationaux, par exemple avec les équipes de science des données de l’Université du Luxembourg ou avec les chercheurs du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) pour des projets présentant une dimension socio-économique, ainsi que des partenariats public-privé avec l’écosystème HealthTech au Luxembourg.
Comme mentionné précédemment, ma priorité sera de développer l’épidémiologie digitale. Pour progresser vers la médecine personnalisée, il est nécessaire de procéder à une caractérisation plus détaillée des personnes atteintes de diabète et d’autres maladies chroniques. Ma recherche vise à exploiter le potentiel des données numériques et de l’IA pour la prévention des complications chez les patients, en identifiant des signatures numériques complexes et des biomarqueurs numériques associés au risque de complications.
L’une de mes premières tâches consistera à faire une preuve de concept d’une collecte de données efficace en vie réelle à l’aide d’une application smartphone, actuellement en cours de développement par le Department of Population Health.
Cette application sera initialement testée dans le contexte du diabète, pour être ensuite étendue à d’autres maladies. Je compte également mettre en place un Digital Health Data Lake, une infrastructure Big Data compre¬nant des types de données très divers. L’application pour smartphone et l’infrastructure de données seront essentielles à la mise en oeuvre de CoLive Diabetes, une e-cohorte composée d’au moins 50 000 personnes atteintes de diabète de type 1 ou de type 2, recrutées au Luxembourg et dans le monde entier, et qui sera suivie sur une période de 10 ans.
Oui, je suis actuellement en train de préparer une demande de financement pour les chercheurs étrangers, afin d’établir un groupe de recherche. Le groupe se concentrera sur le phénotypage numérique profond (Deep Digital Phenotyping).
En France, j’avais déjà supervisé un certain nombre de doctorants. Je serai donc heureux d’intégrer des doctorants dans ma future équipe, afin de contribuer à la mission du LIH de former la future génération de chercheurs.
Ma recherche aura un impact direct sur la prévention des complications liées aux maladies chroniques, ainsi que sur la gestion de ces pathologies. Si nous arrivons à mieux comprendre la vie réelle, le comportement et la psychologie des personnes atteintes de maladies chroniques, nous serons en mesure de développer des interventions et des programmes de prévention plus personnalisés et plus rapides, et donc de réduire le risque de complications et d’améliorer la qualité de vie.
Sans surprise, je suis un geek des nouveaux gadgets électroniques ! Je joue aussi au basketball depuis l’âge de huit ans, collectionne des disques de vinyle de différents styles de musique et, bien évidemment, j’aime passer du temps avec mes enfants !
CoLive Diabetes est un nouveau projet de recherche lancé au mois de novembre 2019 au Luxembourg, visant à améliorer significativement la qualité de vie des personnes atteintes de diabète. Ce projet international, mené par le Luxembourg Institute of Health (LIH), étudiera comment les données numériques et l’intelligence artificielle (IA) peuvent être utilisées pour une meilleure prise en charge du diabète et pour la prévention des complications associées. Notamment, les chercheurs souhaitent générer des jumeaux numériques - une image miroir de chaque personne - sur l’ordinateur, ce qui devrait permettre aux professionnels de santé de prédire l’évolution du diabète de manière plus précise et de développer de meilleures stratégies de traitement personnalisé pour les patients. Pour ce faire, une application CoLive pour smartphone sera développée pour permettre aux participants de l’étude de partager des informations relatives à leur mode de vie ou à leur bien-être physique et mental (grâce à des données de géolocalisation, utilisation des réseaux sociaux, enregistrements vocaux). Les scientifiques souhaitent analyser ces données à l’aide de méthodes d’IA via une infrastructure nommée Digital Health Data Lake, qui permet de stocker et combiner un vaste nombre de données numériques liées à la santé.
Le projet vise à recruter 50 000 volontaires atteints de diabète de type 1 et de type 2 à Luxembourg et à l’international.
Pour en savoir plus, visiter: www.colive-diabetes.org
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