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Quand le microbiote intestinal s’immisce dans la maladie de Parkinson – Le projet IMMUNO-PD

24/06/20
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Category: Other
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Article paru dans le magasine Semper – édition mai 2020 – www.dsb.lu

Rubrique sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du Clinical and Epidemiological Investigation Center du LIH


Quand le microbiote intestinal s’immisce dans la maladie de Parkinson – Le projet IMMUNO-PD

Le microbiote intestinal, c’est-à-dire l’ensemble des micro- organismes du tractus digestif humain, est associé au bon fonctionnement d’une variété de processus biologiques humains, de la digestion jusqu’à la régulation du système immunitaire. La découverte de son rôle dans la régulation du système nerveux prend de plus en plus d’importance, notamment dans le développement de la maladie de Parkinson.

Dans ce contexte, le projet IMMUNO- PD a été lancé par un consortium d’acteurs luxembourgeois et internationaux du domaine clinique et de la recherche, afin de mieux caractériser le rôle fonctionnel du microbiote intestinal dans cette maladie neuro- dégénérative.

Le microbiote intestinal humain

Le microbiote humain ne représente pas moins de 1014 micro-organismes, principalement des bactéries, des Fungi, des archées et virus, appartenant à une grande diversité d’espèces, de l’ordre de 500 à 1000 espèces. L’être humain héberge ces micro-organismes sur toutes les surfaces du corps en contact avec l’environnement: au niveau de la peau (microbiote cutané), dans la bouche (microbiote bucco-dentaire), dans les organes génitaux (microbiote vaginal) et dans l’intestin (microbiote intestinal, auparavant appelé flore intestinale).

Le microbiote intestinal est présent tout le long du tube digestif mais c’est dans le côlon que les micro- organismes, en particulier des bactéries, sont les plus abondants. Il est majoritairement constitué d’espèces anaérobies strictes appartenant pour la plupart d’entre elles aux embranchements des Bacteroidetes, des Firmicutes et des Actinobacteria. Les variations inter-individuelles dans la composition du microbiote intestinal sont liées principalement à l’alimentation, à la prise de médicaments ou encore aux facteurs environnementaux.

Les micro-organismes interagissent avec l’intestin et au-delà avec l’ensemble de notre organisme, assurant certaines fonctions physiologiques essentielles pour l’être humain. Ainsi, la présence d’une communauté microbienne équilibrée dans l’intestin contribue à l’homéostasie locale, à la régulation du système immunitaire, du métabolisme ou encore du système nerveux.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interaction entre le cerveau et le microbiote intestinal

Les interactions entre le cerveau et le microbiote intestinal reposent sur la circulation de molécules produites par ce dernier. Il peut s’agir de molécules issues de la paroi des cellules bactériennes, comme le lipopolysaccharide (LPS), ou bien de métabolites produits en grande quantité par les micro- organismes intestinaux, tels que les acides gras à courte chaine. Ces molécules exercent une action sur le cerveau à travers deux voies principales, celle du système nerveux et celle de l’immunité, qui font intervenir différentes cellules médiatrices de la muqueuse intestinale.

  • La voie nerveuse: elle relie l’intestin et le cerveau via le nerf vague. En réponse aux signaux du microbiote, les cellules épithéliales de l’intestin, qui sont en contact étroit avec les cellules nerveuses entériques, sécrètent différentes molécules, en particulier des neuropeptides. Ces derniers induisent la production de neurotransmetteurs par le système nerveux entérique. Les informations sont ensuite transmises au cerveau par le nerf vague.
  • La voie immunitaire: les molécules produites en grande quantité par le microbiote provoquent des cascades de signalisation qui activent les cellules immunitaires en permettant leur différentiation et leur prolifération au niveau intestinal et systémique. Les cellules immunitaires peuvent produire de nombreux médiateurs chimiques, tels que des cytokines, qui affectent à leur tour le fonctionnement du système nerveux.

Le microbiote intestinal a également un rôle important sur la régulation du métabolisme énergétique de l’hôte. Ceci impacte tout particulièrement l’activité du cerveau, grand consommateur de calories.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le microbiote intestinal et son rôle potentiel dans la progression de la maladie de Parkinson

La maladie de Parkinson est l’un des plus grands défis scientifiques, médicaux, et socio-économiques de notre époque. A ce jour, il n’existe pas de traitement médical préventif ou curatif de la maladie de Parkinson. Dans ce contexte, le Centre national d’excellence pour la recherche sur la maladie de Parkinson (NCER-PD) a été mis en place en 2015. Il s’agit d’un programme de recherche collaboratif entre le Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) de l’Université du Luxembourg (UL), le Luxembourg Institute of Health (LIH) et son Integrated Biobank of Luxembourg (IBBL), le Laboratoire National de Santé (LNS) et le Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL visant à améliorer le diagnostic de la maladie, à mieux comprendre les mécanismes associés et à développer ainsi de nouveaux traitements pour les personnes touchées.

Un marqueur de la maladie est la présence d’agrégats formés par l’α-synucléine. L’α-synucléine possède des propriétés d’agrégation proches de celles des protéines responsables des maladies à prions. La recherche a montré la présence précoce de ces agrégats d’α-synucléine dans le bulbe olfactif et dans les plexus nerveux intestinaux des patients. La dissémination de ces agrégats depuis le système nerveux entérique jusqu’au système nerveux central est l’une des hypothèses proposées pour expliquer le développement de la maladie.

De récents travaux scientifiques suggèrent que le microbiote intestinal est profondément modifié dans la maladie de Parkinson. Ce déséquilibre entre les micro-organismes intestinaux favorise le développement d’organismes pathogènes opportunistes et potentiellement la production de molécules délétères pour l’hôte. De plus, certains paramètres intestinaux que l’on sait régulés par le microbiote intestinal, tel que le taux d’hormones  digestives, l’inflammation ou la perméabilité intestinale, sont également affectés chez les patients. Ainsi la diminution de la ghréline, hormone digestive intervenant dans la régulation de la satiété et sur la fonction dopaminergique, pourrait expliquer les problèmes de motilité intestinale. L’augmentation des cytokines pro-inflammatoires intestinales pourrait être corrélée à l’inflammation observée au niveau du système nerveux central. En outre, l’augmentation de la perméabilité intestinale augmenterait l’inflammation et l’exposition à des molécules favorisant la dégénérescence neuronale.

Ainsi, l’existence chez les patients d’une modification du microbiote intestinal, associée à une symptomatologie digestive, rendent plausible l’hypothèse d’un rôle du microbiote dans le développement de la maladie de Parkinson. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que différents travaux montrent que le microbiote intestinal agit sur le système nerveux. Cependant, les connaissances actuelles ne permettent pas de savoir si le microbiote intestinal a un rôle causal dans la maladie ou si les modifications observées sont avant tout une conséquence de la dégénérescence progressive du système nerveux. Pour répondre à cette interrogation, il est primordial d’étudier les interactions entre les micro-organismes intestinaux, l‘intestin et le système nerveux entérique. Les résultats de ces travaux pourraient permettre de proposer par la suite de nouvelles cibles thérapeutiques et de nouveaux traitements pour la maladie de Parkinson.

Le microbiote intestinal a également un rôle important sur la régulation du métabolisme énergétique de l’hôte.

 

 

 

 

 

 

 

Le projet de recherche IMMUNO-PD

Dans ce contexte, le projet de recherche IMMUNO-PD vise à apporter des réponses sur le rôle fonctionnel du microbiote intestinal dans la maladie de Parkinson. Pour ce faire, les échantillons de selles collectés auprès de 15 patients et 15 contrôles participant à NCER-PD, grâce à une mise en culture suivie par une analyse des métabolites et le séquençage du microbiote intestinal, puis dans un second temps par une étude dans un modèle murin axénique, dépourvu de micro-organismes.
 

Les résultats de ces travaux pourraient permettre de proposer par la suite de nouvelles cibles thérapeutiques et de nouveaux traitements pour la maladie de Parkinson

Les micro-organismes intestinaux seront cultivés afin de mettre en évidence des enrichissements ou des
diminutions spécifiques au microbiote intestinal dans la maladie de Parkinson. Afin d’avoir une vue générale des micro-organismes présents, chaque échantillon sera également séquencé. Les métabolites produits par le microbiote intestinal des patients et des contrôles seront comparés en utilisant une approche de métabolomique par spectrométrie de masse. En parallèle, les caractéristiques physico-chimiques des selles ainsi que le niveau d’inflammation seront examinées. Grâce à ces paramètres, la physiologie intestinale des patients et des contrôles sera comparée, et de potentiels dysfonc tionnements chez les patients parkinsoniens pourront être mis en évidence. Enfin, les échantillons de selles seront transplantés dans des souris axéniques dépourvues de microbiote. Ce modèle permettra d’étudier l’impact du microbiote intestinal parkinsonien sur le fonctionnement intestinal, l’inflammation et la perméabilité cérébrale.

Le projet s’appuie sur une équipe interdisciplinaire unique composée d’experts cliniques travaillant sur la maladie de Parkinson (Prof. R. Krüger du LIH/ CHL/LCSB), sur la caractérisation du microbiote (Prof. P. Wilmes du LCSB), et la métabolomique (Dr C. Linster du LCSB), d’acteurs nationaux clés dans le domaine de la santé (CHL, LIH et Université du Luxembourg) et d’un partenaire international renommé pour son expertise dans l’étude du rôle du microbiote intestinal sur l’immunité intestinale (Prof. K. Honda, Université de Keio-RIKEN et son équipe).

Pour le projet IMMUNO-PD, Dr C. Martin-Gallausiaux du LCSB, biologiste ayant une longue expérience dans la recherche sur les interactions entre le microbiote intestinal et l’hôte, est en charge des activités scientifiques. Dr L. Delacour du LCSB, chimiste de formation avec plus de sept années d’expérience en recherche dans l’industrie pharmaceutique, coordonne le projet.

 

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