Cet article a été publié dans le magazine Semper, édition février 2020 – www.dsb.lu
REGULATORY : Une rubrique originale de Semper Luxembourg en collaboration avec la Division de la Pharmacie et des Médicaments
Dans notre édition de novembre, nous proposions dans cette rubrique une monographie sur le cycle de vie du médicament. Dans ce cycle de vie, la 4e étape est l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Mais de quoi parlons-nous exactement?
Dr Eric Mertens
Lorsqu’un laboratoire pharmaceutique désire commercialiser un médicament, il doit présenter un dossier de demande d’autorisation auprès de l’autorité compétente concernée.
L’AMM est délivrée soit par l’Agence européenne des médicaments(EMA) en cas de procédure centralisée (médicaments à usage humain et aussi à usage vétérinaire), soit par les autorités nationales compétentes en cas de procédure nationale ou de reconnaissance mutuelle. Aux États-Unis, par exemple, ces mêmes demandes sont formulées auprès de la Food and Drug Administration(FDA).Pour chaque indication, on évaluera son efficacité thérapeutique mise en regard du médicament et de la maladie. Ceci est généralement désigné par «rapport bénéfice/risque»
Un retrait d’AMM peut être demandé en cas de découverte d’effets indésirables à long terme dans le cadre d’une pharmacovigilance qui entraîneraient une balance bénéfice-risque défavorable.
La Procédure d’obtention de l’AMM peut s’effectuer selon plusieurs modalités:
• la procédure centralisée
• la procédure nationale
• la procédure par reconnaissance mutuelle
• la procédure décentralisée
La procédure est «centralisée» lorsque l’AMM est accordée par la Commission européenne après avis de la Commission d’autorisation de mise sur le marché européenne (Agence européenne du médicament ou EMA). L’AMM est alors accordée à tous les états membres.
Cette procédure est obligatoire pour les produits innovants, tels que les anticancéreux.
La procédure est nationale lorsque l’AMM est octroyée par l’Agence du médicament d’un État, et n’est valable qu’à l’intérieur de cet État.
La «procédure par reconnaissance mutuelle» (PRM, ou MRP en anglais) consiste à demander à un ou plusieurs Etats une AMM après l’octroi d’une AMM initiale par l’un des états membres.
La «procédure décentralisée» est identique à la procédure de reconnaissance mutuelle hormis le fait qu’aucun des états choisis n’a délivré une AMM initiale. L’évaluation est alors d’emblée partagée entre les états
Que comporte un dossier d’AMM?Le médicament «candidat» à l’obtention d’une AMM est examiné à partir d’un dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché. Aujourd’hui, ce dossier est rédigé dans un format standardisé commun à l’Europe, au Maroc, aux États-Unis et au Japon: le format CTD («Common Technical Document»). Dans le format CTD, les informations sont organisées en cinq parties:
• module 1: informations administratives Pour une nouvelle molécule, ce dossier comporte des milliers de pages. Il décrit à la fois la fabrication de la substance active, la fabrication du produit fini ainsi que l’ensemble des études cliniques et non-cliniques nécessaires à l’évaluation de la balance bénéfice-risque. Le dossier peut être abrégé pour les médicaments génériques, notamment par le fait que les études cliniques sont remplacées par des études de bio-équivalence. Pour les médicaments biosimilaires, en revanche, l’AMM est délivrée sur la base d’une équivalence de résultats thérapeutiques et non pas uniquement sur la base de la bioéquivalence. La démonstration de la similarité nécessite donc de nouveaux essais précliniques et cliniques.Le CTD a été mis au point par l’Agence européenne du médicament EMA ainsi que par ses équivalents américain la FDA (Food and Drug Administration) et japonais (le ministère de la santé, du travail et du bien-être). Il est géré par l’ICH:I nternational Conference of Harmonization, qui harmonise certaines parties de la réglementation des médicaments. Aujourd’hui le format CTD est obligatoirement utilisé pour une nouvelle demande d’AMM dans un pays européen. Par ailleurs, ce dossier est maintenant géré de facon numérique, sous le format CTD. |
Un État qui refuse de reconnaître les décisions d’un autre État doit motiver son refus, pour ne pas gêner la libre circulation des marchandises. Ainsi, les procédures par reconnaissance mutuelle et décentralisée offrent aux firmes pharmaceutiques une alternative intéressante à la procédure centralisée |
Outre ces procédures classiques, il existe des dérogations qui permettent une commercialisation plus rapide des médicaments:
• l’AMM conditionnelle
• l’AMM pour circonstances exceptionnelles
• l’AMM accélérée
• l’autorisation temporaire d’utilisation
L’AMM conditionnelle est une AMM de validité limitée à un an, qui peut être renouvelée sous condition qu’un rapport intermédiaire soit fourni par la firme pharmaceutique. Elle n’est accordée que si le bénéfice est supérieur au risque, que le médicament répond à des besoins médicaux non satisfaits, et que les bénéfices pour la santé publique l’emportent sur le risque lié à une incertitude du fait d’une évaluation incomplète du médicament.
L’AMM pour circonstances exceptionnelles concerne une AMM octroyée de façon exceptionnelle, réévaluable chaque année, pour un médicament dont le dossier n’est pas complet.
L’AMM accélérée désigne une procédure d’évaluation accélérée (150 jours au lieu de 210 jours), réservée à des médicaments présentant un intérêt majeur pour la santé publique.
L’autorisation temporaire d’utilisation, enfin, ouvre la possibilité d’utiliser un médicament qui ne dispose pas d’une AMM afin de traiter des maladies graves ou rares qui ne disposent pas de traitement adéquat.
L’autorisation peut être accordée pour un patient particulier, ou pour un groupe de patients. La firme pharmaceutique doit justifier l’efficacité présumée du médicament dont l’évaluation est insuffisante, et s’engager à déposer une AMM dans un délai fixé.
Par ailleurs, une AMM n’est pas figée, mais peut faire l’objet de demandes de modifications, qui peuvent être d’importance mineure ou d’importance majeure.
Les modifications d’importance mineure de type IA sont par exemple des modifications administratives (nom du fabricant, du titulaire de l’AMM...), une mise à jour de certificat, un changement mineur d’une méthode de contrôle... Ces modifications ne nécessitent pas d’évaluation.
Les modifications d’importance mi-neure de type IB sont par exemple un changement de nom du médicament, un changement dans le pro- cédé de fabrication du principe actif, un nouveau fabricant... Ces modifications nécessitent une évaluation et des questions peuvent être posées au demandeur.
Les modifications d’importance majeure de type II (analytiques ou cliniques) sont celles qui ne peuvent pas être considérées comme modifications d’importance mineure ou comme extensions de gamme.
La demande de modification des termes de l’AMM doit alors comporter tous les renseignements utiles, les données justifiant la modification demandée, l’ensemble des documents modifiés suite à la demande et un addendum ou une mise à jour des rapports d’experts, synthèses, résumés tenant compte de la modification demandée.
Les AMM sont le «core business» de la DPMQue représentent les AMM dans les activités de la DPM, la Division de la Pharmacie et des Médicaments de la Direction de la Santé? La gestion des autorisations de mise sur le marché (AAM) des médicaments aussi bien humains que vétérinaires est au cœur des activités de la DPM. En 2019, 302 nouvelles AMM pour des médicaments humains et 42 nouvelles AMM pour des médicaments vétérinaires ont été traitées. A côté de cela, la DPM a également traité 3193 variations de type I, 733 variations de type II, ainsi que 278 demandes de renouvellements d’AMM.Ce sont des chiffres impressionnants compte tenu des ressources et des moyens actuels au sein de notre division. C’est pourquoi nous avons entrepris une série de mesures visant à mieux faire face à notre responsabilité de garantir la mise à disposition rapide de médicaments sûrs, efficaces et de haute qualité. Ces mesures comprennent notamment des recrutements de personnel avec des compétences spécifiques, le recours à des experts externes, la mise en place des procédures opératoires standards au sein d’un nouveau système de gestion de la qualité et la digitalisation de certaines démarches.
Dr Anna Chioti |
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