Article paru dans le magazine Semper – édition mai 2019 – www.dsb.lu
Rubrique sous la responsabilité du Dr Manon Gantenbein, PhD, Responsable du Clinical and Epidemiological Investigation Center du LIH
Une nouvelle étude scientifique dans le domaine de la nutrition, lancée au Luxembourg Institute of Health (LIH), nécessitera le recrutement de participants volontaires prêts à se soumettre temporairement à un régime alimentaire pauvre en fruits et légumes colorés. Dans ce projet de recherche il s’agit de comprendre comment notre corps pourrait arriver à mieux absorber les caroténoïdes, des pigments végétaux qu’on pense être très bénéfiques pour notre santé.
Mohammed Iddir et Dr Torsten Bohn
Department of Population Health, Luxembourg Institute of Health
Les caroténoïdes sont des composés organiques qui appartiennent à la famille chimique des terpénoïdes. Ils sont produits dans de nombreuses plantes et certains champignons. Ces pigments végétaux sont notamment responsables de la coloration rouge et orange des fruits et des légumes tels que les tomates, les carottes et les oranges. Ils sont également présents dans les légumes à feuilles comme les épinards ou le chou frisé1.
Les caroténoïdes, comme la bêta-carotène par exemple, sont principalement connus en tant que constituants à partir desquels le corps synthétise la vitamine A. De nombreuses études suggèrent que les caroténoïdes ont d’autres effets favorables sur la santé. Leur apport et leur concentration dans les tissus humains ont été associés à une incidence réduite de développer des maladies chroniques2, comme le diabète3, les maladies cardiovasculaires4, certaines maladies oculaires5, ainsi que certains types de cancer6.
Les caroténoïdes sont absorbés par les cellules intestinales au cours de la digestion, et ensuite transportés par la circulation sanguine pour atteindre les organes et tissus7. L’absorption est cependant incomplète, car les caroténoïdes ne présentent pas une biodisponibilité optimale. Ce sont des molécules lipophiles et ainsi hydrophobes, c’est-à-dire non miscibles à l’eau. Leur assimilation dépend donc de leurs propriétés chimiques mais également du milieu environnant, notamment de la composition des aliments ingé¬rés simultanément lors d’un repas8. Il est intéressant d’étudier comment certaines combinaisons alimentaires pourraient positivement influencer la biodisponibilité des caroténoïdes.
Dans une nouvelle étude conduite au Department of Population Health du LIH, les chercheurs s’intéressent aux protéines susceptibles d’aider à la solubilisation et à l’absorption des caroténoïdes contenus dans les aliments.
Cette étude pourrait donner des indications pour un régime permettant une meilleure absorption des caroténoïdes. Ceci serait en particulier bénéfique pour les personnes ne consom¬mant pas assez de vitamine A issue de la viande, comme les végétariens et les végétaliens, mais aussi les personnes vivant dans des pays peu industrialisés où la consommation de viande est relativement limitée, ou encore les sujets touchés par des problèmes gastro-intestinaux, secrétant de façon insuffisante les enzymes de digestion et les sels biliaires nécessaires pour métaboliser les caroténoïdes.
La nouvelle étude, nommée CAROPROT, sera menée sur des sujets humains. Le projet a obtenu un financement CORE du Fonds National de la Recherche (FNR) et un avis favorable du Comité National d’Ethique de Recherche du Luxembourg (CNER). Il sera conduit en étroite collaboration entre deux unités du Department of Population Health du LIH: la Epidemiology and Public Health Research Unit et le Clinical and Epidemiological Investigation Centre (CIEC).
Le projet CAROPROT s’appuie sur l’hypothèse selon laquelle les protéines pourraient aider à émulsifier les caroténoïdes pendant la digestion. Les protéines se sont révélées être des émulsifiants efficaces, possédant à la fois des parties hydrophobes et hydrophiles dans leur structure moléculaire. Elles peuvent ainsi avoir des propriétés tensioactives favorisant la formation de petites gouttelettes lipidiques appelées micelles9. Jusqu’à présent, l’effet de l’interaction des protéines avec les caroténoïdes au cours de la digestion, de l’absorption et de la biodistribution sur la biodisponibilité des caroténoïdes n’a jamais été étudié en détail.
Dans des expériences in vitro, des chercheurs du LIH ont pu observer que les caroténoïdes digérés avec du lait entraînaient une bioaccessibilité plus élevée par rapport aux caroténoïdes digérés avec de l’huile, ce qui – selon l’hypothèse émise - était due à l’influence des protéines émulsionnantes pendant la digestion10. Bien que les expériences in vitro représentent un bon point de départ, elles ne peuvent pas prédire les conditions in vivo. Pour valider les résultats expérimentaux obtenus, les chercheurs envisagent une étude nutritionnelle avec des sujets humains soumis à une alimentation contrôlée pendant quelques semaines. Différents examens seront conduits sur ces sujets et des échantillons biologiques seront prélevés pour être analysés en laboratoire.
Tout d’abord différents types et concentrations de protéines seront testés et comparés dans des tests in vitro. Deux conditions seront ensuite sélectionnées pour l’essai sur l’humain. L’objectif principal de l’étude sera d’évaluer l’influence de la consommation simultanée de deux sources de protéines différentes sur la biodisponibilité des caroténoïdes alimentaires. La concentration plasmatique des caroténoïdes et la cinétique d’absorption seront déterminées11. Sur accord de certains sujets, une collecte d’échantillons fécaux complets sera effectuée pour analyser la composition du microbiote intestinal et les métabolites des caroténoïdes contenus dans les selles, car ces derniers pourraient être bioactifs.
Vingt-quatre hommes originaires ou résidants des environs du Luxembourg devront être recrutés pour l’étude CAROPROT. Les sujets volontaires doivent être en bonne santé, non-fumeurs, âgés entre 20 et 50 ans et ne répondre à aucun point de la liste de critères d’exclusion. Des femmes ne peuvent pas être incluses dans l’étude en raison d’un possible impact du cycle menstruel sur les paramètres mesurés.
Plus de détails sur les critères d’inclusion et le déroulement de l’étude se trouvent dans l’encart ci-dessous.
Les personnes souhaitant avoir plus d’informations ou participer à l’étude pourront prendre contact avec les personnes responsables mentionnées ci-après.
Jean-Yves Ferrand
Infirmier de recherche coordinateur
Tél.: (+352) 26 970 933
E-mail: jean-yves.ferrand@lih.lu
Dr Torsten Bohn
Investigateur principal
Tél.: (+352) 26 970 394
E-mail: torsten.bohn@lih.lu
for articles/videos/studies
The articles can be sorted by therapeutic area or disease, but may also deal with more general topics not specifically related to a disease. These articles can be sorted as "other".
